We can go au cinéma.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
On peut aller au cinéma, d’abord pour voir un film rare, We Can’t Go Home Again, presque une expérience, le testament plastico-filmique de Nicholas Ray. On peut aussi y aller pour vivre les événements de sa semaine au Grand Action. Vendredi, rendez-vous avec Les Années 50 au cinéma et Ariane, de Billy Wilder. Samedi, Marc Olry, distributeur de Seconds de Frankenheimer, nous introduira la séance de 19h, et lundi à la même heure, le cinéaste Jan Kouken viendra déclarer sa flamme à Die Hard, de John McTiernan. Mardi à 20h, vous aurez le choix entre un Ciné-Club Positif et un CinéClub Univers Divergent. Le premier nous montrera Le Retour, fable russe d’Andreï Zviaguintsev commentée par Jean-Christophe Ferrari ; le second Chantons sous la Pluie, fable hollywoodienne de Stanley Donen, qui introduira un débat scientifique sur le processus créatif. Egalement au programme L’Incident, de Larry Peerce et un cycle Nicholas Ray.
Nicholas Ray a pas mal zigzagué avant d’arriver dans le monde du cinéma, passant notamment par l’architecture. Sa rencontre avec Elia Kazan, dans un groupe théâtral à la fin des années 30, est déterminante. Kazan, futur immense réalisateur, qui fera débuter Ray comme assistant, est aussi le futur co-fondateur de l’Actor Studio. Et la façon dont il bouscule les apprentis comédiens bouleverse Nicholas Ray. Cette violence le renvoie à sa fascination pour la fougue autodestructrice de la jeunesse, et construit sa façon d’aborder la transmission. We Can’t Go Home Again, que nous sommes fiers de ressortir cette semaine, rapproche ces deux dimensions. En 1971, Nicholas Ray est invité a donner des cours au Binghamton’s Harpur College de New York qui vient d’ouvrir une filiale cinéma. Il se prend vite au jeu et crée un rapport très fort avec ses étudiants, qu’il pousse dans leurs retranchements. We Can’t Go Home Again, qui utilise certains de leurs travaux, est le résultat de cette expérience. Film choral, pluridimensionnel, éclaté et pourtant construit (Ray a poursuivi le montage jusqu’à sa mort en 1979), c’est une incroyable et déroutante leçon de cinéma avec, en point d’orgue, les moments où le réalisateur prend la parole. « Un film sur l’impossibilité du retour, sur la fuite en avant, sur le manque de foyer. Un film unique (…) peuplé d’images plus petites qui vibrent, coexistent, se brouillent » écrivait Serge Daney en 1980. Pour mieux comprendre cette œuvre testamentaire, notre cycle Nicholas Ray vous invite à revoir certains de ses grands films. D’abord Les Amants de la Nuit, son premier et son meilleur, selon François Truffaut, qui aimait aussi beaucoup le lumineux et tourmenté Johnny Guitar. On retrouvera aussi avec plaisir Secret de Femme, Born to be Bad et Traquenard.
Nic Ray prend beaucoup de place dans cette semaine chargée, mais c’est bien la moindre des choses. Parlons tout de même du reste et notamment de nos événements, à commencer par Ariane, comédie bondissante de Billy Wilder, avec Audrey Hepburn, Gary Cooper et Maurice Chevalier. Outre les lumineux commentaires de Lise Brisson, venue tout exprès du Musée de la Mode nous parler du film et des Années 50 au Cinéma, nous aurons la joie de voir, en complément de programme, un reportage où N.T Bihn, rédacteur chez Positif, interviewe Hubert de Givenchy, ami et confident d’Audrey. Merci pour ce moment.
Lundi à 19h, un grand fabricant d’images, Jan Kounen, viendra nous présenter l’un de ses films cultes, Die Hard, notre succès des semaines dernières qui reste d’ailleurs à l’affiche. Lorsqu’on aime le cinéma d’action – c’est le cas de Jan – on ne peut qu’être fasciné par la virtuosité avec laquelle John McTiernan suit l’intervention musclée de Bruce Willis pour libérer des otages dans une tour infernale. Et le tout sans se départir de son humour.
Ciné-Club Positif mardi soir avec Le Retour, d’Andréï Zviaguintsev, jeune cinéaste russe qui reçut pour son premier film au cinéma le Lion d’Or à Venise en 2003. Rien que ça ! Cette histoire d’un père qui, après 12 ans d’absence, tente de renouer un lien avec ses deux fils aurait sans doute beaucoup plu à Nicholas Ray. Il ne pourra pas nous en parler (et c’est dommage), mais Jean-Christophe Ferrari, membre du comité de rédaction de notre revue de cinéma préférée, sera dans le salle pour nous donner son éclairage sur cette belle fable minimaliste et terriblement juste.
Ce même mardi, le critique Jean-Michel Frodon, le biologiste François Taddei et le physicien Stéphane Douady seront réunis dans la salle voisine pour le CinéClub Univers Divergent qui, cette saison, entame une série sur la connaissance. Pour le premier rendez-vous de cet ambitieux programme, nos amis scientifiques s’intéressent au processus créatif. Et, preuve qu’ils ne manquent ni de recul ni de fantaisie, l’illustrent avec Chantons sous la Pluie, où l’on voit, en rire et en chansons, comment les studios hollywoodiens sont passés du muet au parlant.
Terminons vite cette longue missive en vous rappelant que L’Incident, huis-clos métropolitain fiévreux et nerveux de Larry Peerce poursuit sa carrière, que Seconds de John Frankenheimer, est toujours à l’affiche (avec, samedi à 19h, une présentation de notre ami Marc Orly, courageux distributeur), et que l’Enfance de l’Art, nous propose Le Petit Fugitif, un classique du film jeunesse des années 50 de Morris Engel.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action