Vous aimez quel genre de films ? Les films de genre !
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Même si le genre des films est né avec le cinéma, quand on pense « film de genre », certains critiques se bouchent le nez (ou ferment les yeux, c’est selon). Car, au delà du réalisateur, des acteurs et même parfois du thème, la vedette du film de genre, c’est, justement, son genre. Que ce soit un western, un fantastique ou un polar, le genre devient le marqueur du film. S’attachant à cette unique définition, les grands studios ont souvent monté des projets de série B sur leur seul genre. Ainsi, de grands auteurs ont fait leurs armes sur ce type de films. Avec des scénarios aussi anémiques que le budget alloué, on attendait d’eux qu’ils fabriquent, vite fait, 80 minutes plein de gun fights, de frissons ou de poursuites. Les cinéastes les plus doués, s’appuyant sur leur seul talent de metteur en scène, ont su transcender l’exercice pour produire de petites merveilles. Citons la Féline de Tourneur ou Kiss me Deadly, d’Aldrich. Tarantino, dont le Django Unchained, est toujours à l’affiche procède autrement. Il prend un « genre » et le tord dans tous les sens pour en faire naître un nouveau : le « genre Tarantino ». Nous le retrouverons cette semaine, pour Django Unchained d’abord, et son Vidéo-Club Tarantino. Avant de lui consacrer l’essentiel de cette lettre, voyons le reste de notre programme.
Car certains de nos films des précédentes semaines demeurent à l’écran, à commencer par César doit Mourir, soutenu par nos amis distributeurs de Bellissima. Dans leur dernier opus, les frères Taviani nous entrainent en prison, au cœur d’une bande de taulards qui monte une pièce de Shakespeare. Si le film s’inspire d’une expérience vécue, tout est ici fiction, mais tellement proche du réel que c’en est bouleversant. D’autres films vivent sans doute leurs dernières séances. Alors si vous avez raté le passionnant décryptage de l’attentat de la Piazza Fontana, signé Marco Tullio Giordana, 4h44 Dernier Jour sur la Terre, l’apocalypse vue par Abel Ferrara, ou Fear and Desire, le tout premier long métrage de Stanley Kubrick, précipitez-vous.
Après le genre « gangster », « kung fu » ou « blaxploitation », Quentin Tarantino passe du film de guerre au western spaghetti. D’un film à l’autre, il affirme son style et fait naître son propre genre. Mêlant et dosant – parfois subtilement – humour, hémoglobine, décalage, parodie, logorrhée et musique, Tarantino invente un cinéma qui ne ressemble qu’au sien. Et qui sait si, dans quelques années, quand il aura mis fin à sa carrière au terme de son dixième film (c’est sa promesse), des cinéastes du futur ne réaliseront pas des films dont le seul « genre » sera d’être « Tarantinesque ». L’on voit bien aujourd’hui de nombreux sous-Hitchcock, alors… Bref. Voici donc Django Unchained qui, libéré de ses chaines pour servir le Docteur King Schultz, faux dentiste mais vrai chasseur de prime, part traquer le bandit et sauver sa chérie. Il faut dire que Bloomhilda, interprétée par la lumineuse Kerry Washington, en vaut la chandelle. Et l’arracher aux griffes de Calvin Candie ne sera pas une partie de plaisir, même si le propriétaire possède le physique avenant, malgré ses dents pourris, de Léo DiCaprio. On pouvait rester dubitatif après la fin un peu granguignolesque d’Inglourious Basterds. De Django Unchained, on sort secoué mais ravi, et convaincu. D’autant que, malgré les délires de l’histoire, Tarantino donne en sous-texte une idée de la condition des Noirs au temps de l’esclavage. On ne va pas vous dire que c’est un documentaire, mais beaucoup de choses, parmi les plus ignobles, sont vraies.
Pour mieux comprendre le cinéma de ce trublion, nous vous rappelons notre Vidéo-Club Tarantino. Il intègre un peu de grandiloquence, celle de Leone (Le Bon, la Brute et le Truand) qui, en tant qu’inventeur du western spaghetti, est l’inspirateur de Django, et celle de Kubrick, car – 2001 : l’odyssée de l’espace le prouve – c’est l’un des génies du cinéma. Et puis trois films de Tarantino lui-même, qui sont déjà des classiques du genre « tarantinesque » : Pulp Fiction, Le Boulevard de la Mort et Inglourious Basterds.
Le mot de la fin pour Enfance de l’Art qui nous propose un très beau film récent sur l’adolescence : Summertime, de Matthew Gordon.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action