Voir le monde à travers des Lumet.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Sidney Lumet est un grand cinéaste car il possède des convictions et une vision du monde. Dans A bout de Course, réalisé en 1988, sorti discrètement à l’époque et à l’affiche au Grand Action cette semaine, il porte un regard critique sur la famille et l’engagement. Cette réédition sur copie neuve nous donne aussi l’occasion de revenir sur la filmographie de Sidney Lumet, en projetant quelques uns de ces 40 films réalisés en 50 ans de carrière.
Si A bout de Course (Running on Empty) attire les adolescentes par la gracieuse présence de River Phoenix, les enfants viendront cultiver leur jeune cinéphilie à bord de La Machine à Explorer le Temps (The Time Machine) ou en poursuivant le Voleur de Bicyclette, chef d’œuvre de Vittorio de Sica proposé par l’Enfance de l’Art.
La famille Pope est à bout de course. Depuis des années, le père et la mère sont en cavale, entraînant leur deux gamins dans leur fuite. Mais Dany, l’aîné, n’est plus un enfant. Après avoir appris le piano sur un clavier muet, il veut faire entendre sa virtuosité sur un Steinway (il faut avoir vu le film pour comprendre cette métaphore). River Phoenix interprète cet adolescent attachant qui ne peut s’attacher : il doit suivre ses parents dans leur course dans le vide, alors que leurs mensonges et leur amour l’empêchent de grandir. Réalisé il y a plus de 20 ans, ce film dresse un bilan amer des années d’utopie de l’Amérique. Comme souvent dans le cinéma de Lumet, ses personnages ont perdu d’avance. Les parents Pope ont, sans doute pour de bonnes raisons, mis le doigt dans un engrenage qui les dépasse et ils ne peuvent qu’essayer de lui survivre. Dans cette famille bizarre mais unie, il y a des règles comme dans toutes les familles. Et comme dans toutes les familles, l’adolescence les brise. Film politique et psychologique, à bout de course est d’abord une belle histoire familiale. Et, ne boudons pas notre plaisir simple, c’est aussi une fort jolie romance, portée par un couple d’acteurs charmants. Un peu d’optimisme ne nuit pas.
Optimiste, le cinéma de Lumet ne l’a pas toujours été. Si le juré numéro 8 (Henri Fonda) des Douze Hommes en Colère sait retourner la situation et que l’intégrité du flic Serpico (Al Pacino) est finalement reconnue, le braqueur d’un Après-Midi de Chien (Al Pacino, encore) s’enferme dans l’impasse, tout comme sont piégés le Prince de New York, et L’Homme à la Peau de Serpent. Dans À la Recherche de Garbo, Piège Mortel, Le Gang Anderson ou Dans l’Ombre de Manhattan, Lumet explore avec délice et talent les arcanes de la nature humaine engluée dans un monde où les choses ne tournent pas toujours bien.
Pour les autres séances de la semaine, vous choisirez, selon vos goûts, votre moyen de transport : les amoureux de fantastique technicolor sauce hollywoodienne grimperont dans la Machine à Explorer le Temps (The Time Machine) réalisé en 1960 par Georges Pal d’après le roman de H.G. Wells. Les amateurs de néo-réalisme à l’italienne enfourcheront l’inoubliable vélo du Voleur de Bicyclette, l’un des 10 films les plus importants de l’histoire du cinéma, proposé par l’Enfance de l’Art.
Bonne semaine
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action