The lost city of Gray.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Alors que les chants russes se sont tus, c’est James Gray, un fils d’immigrés Ukrainiens, qui tient l’affiche cette semaine. Pour la première fois de sa filmographie, Gray quitte le New York qui a accueilli ses grands parents pour le conquérant Empire Britannique du début XXe. The Lost City of Z, son dernier opus en exclusivité ce mercredi, raconte l’authentique épopée d’un officier anglais explorateur. Gray est également programmé par le Club-Positif de mardi 21, lors duquel sera projeté La Nuit nous appartient. Bien qu’omniprésent, James demeure galant et laisse un peu de place à d’autres événements, ainsi qu’aux Certain Women de Kelly Reichardt, LA surprise « indé » de cette fin d’hiver, qu’accompagne un Cycle de la réalisatrice. Et puis restent Manchester by the Sea qui valut un Oscar à Casey Affleck, ainsi que la belle et juste histoire du couple Loving, de Jeff Nichols.
Comme tous les mois de mars, nous nous associons à la Semaine du Cerveau. Nous verrons mercredi soir le passionnant documentaire Déchiffer la conscience, voyage dans l’étoffe de nos pensées, et échangerons ensuite avec la réalisatrice Cécile Denjean et le journaliste Fabrice Papillon. Outre le Club-Positif, deux autres temps forts vont rythmer la semaine. Dimanche, notre Vilmos Tribute du mois réunira le documentaire Close Encounters (à 17h), que Pierre Filmon a consacré à Vilmos Zsigmond, et La Porte du Paradis (à 19h30), éclairée par le grand chef-op. Pour l’anecdote, cette extraordinaire fresque sur la conquête de l’ouest fut un bide terrible qui sonna le glas des années folles du Nouvel Hollywood, du studio United Pictures et de la carrière de Michael Cimino. Pourtant, cette porte est sublime et sera l’objet d’un débat avec Bruno Delbonnel, directeur de la photographie de Burton, Sokourov et des frères Coen. Le lendemain à 20h, nous accueillons une soirée Sonic Protest, qui défend avec ardeur les aventures musicales les plus innovantes. Un débat s’organisera après le documentaire Completely in the present de Tony Conrad, un pionnier de la musique minimaliste underground des 60’s new yorkaises disparu en 2016.
On sait que le cinéma de James Gray, même s’il ne rencontre pas toujours son public et cartonne plus en Europe qu’aux États-Unis (comme Woody Allen !), ne manque pas d’ampleur. Si Gray maîtrise sur le bout de la caméra les œuvres du Nouvel Hollywood (Scorsese, Coppola…), ses influences sont aussi à chercher du côté des grand Italiens (Visconti, Fellini), de la Nouvelle Vague et de la littérature européenne (Zola, Shakespeare). D’ailleurs, si La Nuit nous appartient, qui sera projeté lors du Club-Positif de mardi 21, en présence du passionnant Michel Ciment et de l’excellent duo Champagne-bouchées coproduit par la Veuve Cheurlin et l’Intendance suivra, se déroule dans les méandres flico-maffieux de la night new yorkaise, le dramaturge de Stratford-upon-Avon n’aurait pas renié cette tragique histoire de famille déchirée.
Pour The Lost city of Z, James Gray laisse donc New York et ses turpitudes pour l’Angleterre victorienne, où le prestige de la naissance compte plus encore que la bravoure au combat. Percy Fawcett est un bon père, un valeureux colonel et un fier sujet de la couronne dont il défend le prestige à travers le monde. Pourtant, cet homme remarquable traîne comme un boulet la tâche qu’une ascendance indigne laissa sur sa vareuse. Elle lui ferme des portes, et Fawcet sera prêt à tous les sacrifices pour les ouvrir et laver l’affront. Cela passe par une périlleuse mission d’exploration dans la sauvage Amazonie, qui sera la révélation de sa vie. Elle le conduira à risquer sa vie et sa chère famille pour une mystérieuse civilisation disparue dont il a perçu les traces dès son premier voyage… Alternant scènes épiques (la séquence de chasse à courre d’ouverture est impressionnante) et moments intimes avec son épouse (Sienna Miller, épatante en épouse moderne, aimante et compréhensive), Gray suit son personnage (Charly Hunnam, convainquant jusqu’au bout de la moustache) vers une quête crépusculaire, qui n’est pas sans évoquer celle d’Apocalypse Now. Une belle réflexion aussi sur la vanité, magnifiquement mise en lumière par Darius Khondji.
Rappelons que certains de nos précédents succès – dont Certain Women de Kelly Reichardt qu’il faut absolument découvrir si l’on se targue de cinéphilie – sont encore à l’affiche, et bouclons avec l’Enfance de l’Art. On verra mercredi Le Royaume des Chats, un dessin animé Ghibli de Hiroyuki Morita, et dimanche Monte là-dessus avec le toujours impeccabe Harold Lloyd.
Belle semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du GA