Tensions estivales.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Seconds, le cauchemar de John Frankenheimer ressorti sur copie neuve par le distributeur Marc Olry de Lost Film, présent à certaines séances, impose une tension à notre programme. Ce n’est pas le cycle les Opérations Diaboliques qui accompagne Seconds qui la fera baisser. Ni d’ailleurs notre nouveau Cycle Alfred Hitchcock, encore moins White Dog, de Samuel Fuller, et ni même Stromboli, de Roberto Rossellini. Pour nous détendre avec faste, nous pourrons heureusement compter sur Les Années 50 au Cinéma, le cycle lié à l’exposition du Palais Galliéra. Afin de célébrer cette fastueuse décennie, on ira au Musée voir de beaux vêtements, et au Grand Action voir Les Hommes préfèrent les Blondes.
« Diamonds are the girl’s best friends » chantait Marilyn Monroe, partenaire de Jane Russel dans Les Hommes préfèrent les Blondes. Nous devons ce sommet de la comédie musicale à Howard Hawks, cinéaste éclectique, aussi à l’aise pour filmer la noirceur du polar, la violence de la guerre, la drôlerie du monde et la lumière du music hall. La blonde Marilyn et la brune Jane, que n’oppose pas uniquement la couleur de leur chevelure, sont deux danseuses vedettes d’une célèbre revue. Elles partent en croisière pour la France avec les deniers du futur époux de la vénale Marilyn, et pas mal d’idées derrière la tête. Mais un détective les surveille… Film hautement glamour, au rythme aussi brillant que le technicolor que la pellicule, Les Hommes préfèrent les Blondes. nous propose 1h30 de bonheur sucré. Et parfois un peu salé. Nul doute qu’en voyant le luxe et l’éclat inouï des costumes, vous serez tentés de foncer à l’exposition sur la mode des Années 50 au Palais Galliera. Pour achever de vous convaincre, vendredi à 20h, Lise Brisson, Responsable des événements de ce fameux Musée de la Mode de la Ville de Paris, viendra nous introduire le film de Hawks.
Pourquoi ressortir Seconds – l’Opération Diabolique), audacieux ovni cinématographique ? En 1966, donc en pleine Guerre Froide, John Frankenheimer a réalisé ce film étrange, où un homme accepte une opération qui lui permettra de changer d’identité et de retrouver sa jeunesse. Mais tout à un prix… Ce film reçut à l’époque un accueil mitigé. Près de 50 ans plus tard, il est bien temps de découvrir comment « le rêve américain est flingué par Franckenheimer » (Télérama), dans cet « excellent thriller paranoïaque » (Le Figaro) et « insolite » (Le Monde), « petit bijou arty terriblement efficace » (Studio Ciné Live), « visuellement splendide » (Les Inrockuptibles) et « injustement oublié » (Première). Diable ! Si la presse se déchaîne, c’est qu’il y a quelque raison. On en verra plusieurs, à commencer par la mise en scène, enfantée par un disciple d’Orson Welles qui aurait trop lu Kafka sous acide, afin de mâtiner de psychédélisme un film noir de science fiction. Outre la performance de Rock Hudson et le générique signé Saul Bass, on appréciera les distorsions visuelles, la scène de bacchanale du milieu et la violence inattendue de la fin. Jeudi et samedi à 19h, le distributeur Marc Olry, infatigable et passionnant déterreur de raretés, viendra nous présenter Seconds. Et il a des choses à dire…
Pour l’accompagner, nous vous proposons un cycle Les Opérations Diaboliques qui décline le thème du film. De L’Homme qui rit, adaptation de Victor Hugo par Paul Leni, à Phantom of the Paradise, opéra-rock faustien de Brian de Palma, en passant par les cultes les Yeux sans Visage de Franju et La Piel que Habito d’Almodovar, une sélection de films où l’homme se prend pour Dieu en faisant flirter la science avec le mal.
Truffaut considérait, dans la préface de l’indispensable livre d’interview que le Maître lui a accordé (réédité par Gallimard), qu’Hitchcock avait réalisé « une œuvre universelle ». Jouant avec nos peurs, la culpabilité de ses personnages, leurs ambivalences et leurs ambigüités, il a bâti un univers où l’humanité, bien que prise au piège, ne se départit jamais d’une distance toute britannique. Virtuose de la technique, il sut la mettre au service du suspense, qui demeure sa marque de fabrique. L’été est une excellente période pour redécouvrir le cinéma tendu de Sir Alfred, et notre Cycle Hitchcock vous propose de revoir une quinzaine de ses films. Quelques grands classiques (L’Inconnu du Nord-Express, Les 39 Marches…), d’autres plus rares (Meurtre, The Skin Game).
Avant de terminer avec l’Enfance de l’Art, redisons que le White Dog de Fuller continue de mordre, et que l’incandescente Ingrid Bergman se consume toujours sur les flancs du Stromboli de Rossellini. Quant à l’Enfance, elle nous mène en train avec Buster Keaton, inoubliable Mécano de la General.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action