Rencontres en exclusivité.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Côté rencontres, ce sont deux événements qui vont marquer cette semaine au Grand Action. Premier par ordre d’apparition à l’écran, le Ciné-Concert de samedi s’annonce formidable. So This is Paris, de Lubitsch, y sera arrosé de notes de musique et de bulles de champagne. Ambiance plus sérieuse mardi 20h avec le Ciné-Club Louis Lumière qui a invité le directeur de la photo Emmanuel Machuel et l’ingénieur du son Philippe Donnefort pour parler de l’Argent, de Robert Bresson.
Coté exclu, deux films nouveaux. D’abord le très indépendant Bellflower, de et avec Evan Glodell, qui nous plonge dans les affres d’une certaine jeunesse américaine, paumée et incapable de s’imaginer en adulte, mais pourtant bien vivante. La bagnole survoltée que bricolent les héros de Bellflower est l’occasion d’initier un nouveau cycle Muscle Cars, qui démarre cette semaine mais prendra vraiment la route la dans 8 jours. Nous pourrons aussi voir Terraferma, le nouveau film d’Emanuele Crialese, sorti il y a quelques semaines et à qui nous offrons une seconde chance, car il le mérite
Et puis bien sûr, demeurent à l’écran l’inépuisable Hugo Cabret, le conte de Martin Scorsese à la rencontre de Méliès, La Fureur de Vivre du grand Nicholas Ray, vedette de la rétrospective que nous lui consacrons, ainsi que Go Go Tales, le cabaret barje d’Abel Ferrara.
Samedi soir donc, place à la musique et à la fête avec Ernest Lubitsch et So This is Paris (Les Surprises de la TSF). Avec le brio qu’on lui connaît, Lubitsch orchestre une valse de quiproquos dans le Paris des années 20. Malgré son titre français, le film est muet. Mais Rémi Fox au saxophone et Yannick Lestra au piano se chargeront d’ajouter une bande son improvisée et pêchue à la pellicule. Et, puisque c’est Paris, la fête se prolongera grâce à la Maison Lallier qui nous servira une coupe de champagne. L’on sirotera sa flute au Grand Bar où seront exposés de vieux phonos et des affiches d’époque. N’hésitez pas à vous habiller “années folles“ – chapeaux cloches et hauts-de-forme – et à réserver vos places pour ce Ciné-Concert festif.
Mardi soir encore on pourra trinquer, après la projection de l’Argent, chef d’œuvre de Robert Bresson sélectionné pour un Ciné-Club Louis Lumière. Les techniciens du cinéma ont invité deux d’entre eux pour commenter la rugosité et la justesse bressoniennes. Emmanuel Machuel et Philippe Donnefort animeront le débat pour donner un éclairage sur le travail du réalisateur de ce film, intéressant à revoir en période de crise.
La nouveauté de la semaine, c’est donc Terraferma, le nouveau film d’Emanuele Crialese, qui nous avait fait rêver avec Respiro. Il est retourné à Lampedusa, mais pour filmer le côté sombre de cette perle lumineuse de la Méditerrannée. Car c’est aussi sur cette île qu’atterrissent bon nombre de damnés de la Terre fuyant la pauvreté et la violence de l’Afrique… Pour n’y trouver souvent que la police et les centres de détention. Mais le réalisateur ne cède pas au misérabilisme. Au contraire, son film est presque un conte où des pêcheurs humanistes recueillent et accueillent des clandestins africains. Ainsi, en s’inspirant de la réalité, il donne une vision presque joyeuse, et en tout cas optimiste, de cette indicible misère.
Par certains côtés, Bellflower aussi est un conte. Un conte noir qu’Evan Glodell a écrit et réalisé pour se reconstruire après une rupture amoureuse. Ados un peu attardés, Woodrow et Aiden se préparent à survivre à l’apocalypse en buvant des bières et en construisant un lance flamme. La rencontre impromptue d’une jeune fille imbattable pour engloutir des criquets vivants, va changer la donne. On va croire à l’amour, avant d’y renoncer et de plonger dans une vision altérée, ou augmentée, c’est selon, de la réalité. Tout comme la Buick Skylark que customisent les deux potes, Bellflower est une expérience. Image travaillée, parfois distordue, montage alterné, rupture de ton et de temps, le film secoue le spectateur. Tourné avec des bouts de ficelle mais une masse colossale de talent et d’énergie, Bellflower est l’une de ces bonnes surprises que le cinéma off nous offre parfois.
D’autres muscle Cars, ces incarnations vitaminées de la fascination américaine pour la bagnole, suivent la route de la Buick de Bellflower. Sur la ligne de départ : Christine, une Plymouth Fury 1958 maléfique inventée par John Carpenter, la De Lorean volante pour partir dans un Retour vers le Futur, de Robert Zemeckis, la Plymouth Valiant de Duel, un peu anémique face au monstrueux truck que Stephen Spielberg lance à sa poursuite, et les Dodge, Chevrolet et autres Mustang qui sillonnent le Boulevard de la Mort, film Grindhouse de Quentin Tarantino. D’autres gros V8 viendront rejoindre celles-ci la semaine prochaine.
C’est au volant d’une Ford Super Deluxe que James Dean vit sa Fureur de Vivre dans le film de Nicholas Ray, ressorti sur copie neuve. Profitons en pour réviser la carrière de Ray, auquel Wim Wenders rendit un superbe hommage dans Nick’s Movie. L’on pourra aussi voir des drames et des polars comme Les Amants de la Nuit, Secret de Femme, La Maison dans l’Ombre, Traquenard, et aussi des westerns comme Les Indomptables, le Brigand bien-aimé et surtout Johnny Guitar, par lequel il bouleversa les codes du genre.
Avant de terminer avec l’Enfance de l’Art qui nous a concocté un programme burlesque – Charlot, Keaton, Laurel et Hardy -, signalons un séance spéciale, vendredi à 14h, d’A Bout de Course, excellent film du toujours excellent Lumet.
Excellente semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.