Raretés.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Projeter des films rares fait partie des petits plaisirs de l’exploitation cinématographique. Vendredi, nous serons gâtés avec notre cycle Warhol Unlimited : quatre courts-métrages issus de la Factory et exhumés par l’association Light Cone. Samedi, autre rareté réalisée en 1986 par Laurent Roth et présentée au dernier Cannes Classics : Les Yeux Brûlés. Avant sa ressortie mercredi 11, nous vous présenterons en avant-première cette étrange réflexion sur la guerre et la mémoire en présence de son auteur. Mardi soir, le Ciné-Club Positif nous invite voir Mr. Arkadin de Welles, suivi d’une analyse fine, comme toujours quand elle est l’œuvre du journaliste François Thomas. Outre ces trois événements, nous retrouverons le cycle Woody Allen, qui accompagne Irrational Man, son dernier film, celui de Bellocchio, Sangue del mio Sangue, et celui d’Alex Ross Perry, Queen of Earth. Sorcerer, aussi inoxydable que les conducteurs mis en scène par Friedkin, demeure à l’affiche, laissant une place à la délicatesse truffautienne de Baisers Volés.
Fondée en 1964 sur la 47è rue, puis transférée à Time Square, la Factory avait deux vocations : produire de l’art, et notamment les lithographies les plus chères du monde, et fabriquer des superstars, le temps, au moins, du fameux quart d’heure warholien. Ainsi, tous les artistes qui passaient par cette capitale new yorkaise de l’expérimentation, étaient invités à s’exprimer par le moyen de leur choix. Certains brillèrent dans la peinture (la française Ultra Violet), la danse (Mary Woronov), la comédie (Joe Dallesandro), la chanson (Nico), le rock (Lou Reed et le Velvet), voire, et de façons moins conventionnelles, dans l’imagerie homosexuelle (Paul America), le pénis (le Cock Book de Brigid Polk) ou la tentative d’assassinat (Valerie Solanas qui faillit tuer Warhol). Au milieu de cette incroyable concentration de cinglés, de drogués et de génies, des cinéastes filmaient en toute liberté. Les quatre courts métrages proposés par Light Cone vendredi soir dans le cadre de l’exposition Warhol Unlimited au Musée d’Art Moderne et du cycle associé au Grand Action, forment un étonnant témoignage de cette fournaise artistique.
Quel œuvre étrange que ces Les Yeux Brûlés, où Laurent Roth mêle interviews, fiction, films de propagande, et terribles images d’archives des combats. Un témoignage sur la guerre et le souvenir qui bouscule, interroge et poursuit ses spectateurs. La mémoire tient-elle dans une cantine oubliée en 1954 par un reporter mort à la guerre ? Nous sommes fiers de soutenir Les Yeux Brûlés, intrigante réalisation de 1986. Avant sa ressortie la semaine prochaine, il sera présenté en avant-première samedi soir. Thierry Méranger, des Cahiers du Cinéma, animera un débat avec le réalisateur et son actrice, Mireille Perrier.
Autre revue et autre débat mardi soir avec notre Ciné-Club Positif de novembre. Nous reverrons Mr. Arkadin, interprété et mis en scène par Orson Welles. Welles dut quitter Hollywood pour réaliser à son idée, et tourna son film en Europe avec une équipe et un financement cosmopolite. Schakespearien, monstrueux, manipulateur, Mr. Arkadin est une nouvelle parabole de la corruption, de la manipulation, du mensonge, du secret. Des thèmes chers à son auteur et déjà abordés dans Citizen Kane, que la construction en flash back d’Arkadin peut évoquer.
Difficile de parler de raretés en évoquant un film de Woody Allen, alors que l’on sent ce presque vieux monsieur de presque 80 ans capable d’en réaliser encore une bonne vingtaine, ce qui porterait sa filmographie définitive à plus de 70. Pourtant, chaque opus est ciselé avec soin, de l’écriture à l’image, en passant évidemment par la mise en scène et l’interprétation. Ainsi d’ Irrational Man, ce bizarre prof de philo incarné par Joaquin Phoenix, qui va quitter le monde des idées les plus brillantes pour celui des actes les plus tordus. Irrational Man est une merveilleuse petite mécanique Allenienne, la dernière expression de son savoir-faire que l’on retrouve dans la quinzaine de films du Cycle que nous lui consacrons.
Non sans vous redire qu’il reste des séances pour Sorcerer, Queen of Earth et une pour les Baisers Volés de Truffaut, concluons avec l’Enfance de l’Art qui nous projette Mes Voisins les Yamada, d’Isao Takahata.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.