Passion technique.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Le cinéma est, bien sûr, un art. Brian de Palma et Tarantino nous le rappellent dans Passion et Django Unchained, à l’unisson de Ferrara (4h44 Dernier Jour sur la Terre) et des frères Taviani (César doit Mourir) qui composent notre programme de la semaine. Mais le cinéma est aussi un ensemble de techniques ; celles de l’image, du son, du montage, du décor. Les Master Class que nous accueillons en ce moment sont l’occasion de donner la parole à celles et ceux dont les noms déroulent sur les génériques et sans qui il n’y aurait tout simplement pas de film. Deux rencontres auront lieu cette semaine pour parler de montage et de son. Et, en attendant leur Master Class de jeudi 28, les chefs-opérateurs viendront aussi évoquer leur travail lors du mensuel Ciné-Club Louis Lumière. Si vous êtes passionnés de techniques du cinéma, ces événements sont pour vous. Voyons le détail.
Les cours reprennent jeudi soir avec une Master Class consacrée au montage dont, depuis Eisenstein, on sait que c’est le moyen de donner le mouvement et l’idée entre deux images. A la suite de la projection de Versailles, de Pierre Schoeller, des réalisateurs et des monteurs, dont Mathilde Muyard qui a travaillé sur le film, viendront débattre et confronter leur expérience du montage avec le public. Et faire passer l’idée forte que c’est bien dans la salle de montage que se façonnent le discours et le sens d’un film.
Dimanche, le Ciné-Club Louis Lumière a aussi choisi d’illustrer sa séance avec Versailles de Schoeller, la triste et belle histoire d’une rencontre, dans les bois qui bordent le célèbre château, entre un enfant et un marginal (le sombre et lumineux Guillaume Depardieu dont c’est l’une des dernières apparitions). A la suite de la projection, Julien Hirsch, chef-op attitré de Schoeller et qui obtint le César de la meilleure image pour Lady Chaterley, de Pascale Ferran, viendra débattre avec le public. Les directeurs de la photo, confirmés, débutants ou sympathisants, pourront lui poser toutes leurs questions.
Lundi soir, après les experts du montage et l’image, ceux du son viendront animer la Master Class qui leur est consacrée. Sous l’égide de l’AFSI (Association française du Son pour l’Image), plusieurs techniciens enlèveront le casque vissé sur leurs oreilles pour donner certains des secrets de leur métier lors d’un débat animé par Pierre-Antoine Coutant et Vincent Magnier, en présence de Guillaume Sciama et Nadine Muse, respectivement ingénieur du son et chef monteuse de Amour, de Michael Haneke. Car c’est ce somptueux film sur l’amour vieillissant, Palme d’Or à Cannes et récipiendaire d’une quantité incroyable de prix, qui précèdera et lancera le débat.
Avec toutes ces réunions de professionnels, on n’en oublierait presque Passion. Et on aurait tort. Car la variation perverse, le jeu de pouvoir et de séduction, la manipulation tordue que nous propose De Palma mérite vraiment une visite. Tout commence dans le glamour d’une agence de publicité menée tambour battant par la séduisante Christine (Rachel McAdams). Face à cette blonde ambitieuse, une talentueuse créative brune, Isabelle (Noomi Rapace) et sa rousse assistante Dani (Karoline Herfurth). Il est question de publicités, de voyage, de sexe aussi. Mais tout semble lisse, évident et brillant, portés par des cadres rigides baignés dans une lumière froide. Et puis, de trahisons et coups bas, tout se dérègle… Jusqu’au pire. Qui est le coupable ? Où est le faux ? Où est le vrai ? Suivant l’ambiance, la mise en scène change et bascule. Les cadres s’inclinent et brisent les horizontales. La lumière devient crépusculaire, rayés par l’ombre des stores. De Palma est un grand réalisateur. Nous, nous le pensons depuis longtemps, et le Cycle que nous lui consacrons le rappelle. Du dernier film d’Alain Corneau (Crime d’Amour) qui a inspiré Passion, il a gardé le venin de ces femmes de pouvoir. Et a décidé de fabriquer des images avec sa propre vision : celle d’un metteur en scène parfois un peu retors, mais qui connaît les ficelles du métier. Il prend un malin plaisir, dans cet exercice de style, à faire ressentir le trouble et, surtout, à balader le spectateur. N’est-ce pas ce que l’on demande au cinéma ? Et que vous trouverez dans les 7 films de son cycle : la sanglante Carrie, le pervers Pulsions, le mystérieux Blow-out, le troublant Body Double, le criminel Le Dahlia Noir, le terrible Bucher des Vanités et la Mission Impossible.
Avant de conclure avec l’Enfance de l’Art qui nous emmène pour les Voyages de Gulliver, de Dave Fleischer, redisons que Django Unchained, la vision rock, violente, drôle, vitaminée, explosive, décalée et déjantée – en un mot tarantinesque – du western spaghetti est toujours à l’affiche. Fans de Quentin Tarantino, vous l’avez déjà vu. Non-fans, venez le découvrir. C’est décoiffant et réjouissant. Et le rater serait passer à côté d’un des grands films de l’année.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action