Paris fait son cinéma.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Comme année entre fin juin et début juillet, le Grand Action accueille le Festival Paris Cinéma, devenu un rendez-vous capital du 7e art. Parmi la richesse de la programmation (à voir sur le site www.pariscinema.org), nous avons retenu les ressorties de l’été, et surtout la première rétrospective intégrale d’Olivier Assayas. Nous aurons le plaisir de l’accueillir mardi à 19h30 pour une présentation de Désordre. Ce festival que nous sommes ravis de consacrer à Olivier rejoint celui dédié à Alexandre Sokourov, ainsi que le délicieux Moonrise Kingdom, de Wes Anderson.
Au tournant des années 80, Olivier Assayas est un brillant critique plutôt éclectique et rock’n roll, deux qualificatifs qu’il a su conserver. Il va même jusqu’à faire partager sa passion du film de kung-fu aux très orthodoxes Cahiers du Cinéma. En 1985, il abandonne la critique pour passer de l’autre côté du miroir. D’abord comme scénariste (notamment pour Téchiné), puis comme réalisateur. En 1986, il signe Désordre, un premier film tendu et fiévreux, où le destin de jeunes musiciens est marqué par un drame. Favorablement repéré par la critique, Désordre, qu’Olivier Assayas vient donc nous présenter mardi à 19h30, lui permet d’enchaîner. Son attirance pour la jeunesse dans toute la brutalité de ses émotions, et l’influence de la Nouvelle Vague – dont Assayas se revendique – sont patentes dans L’Enfant de l’Hiver, une tragédie contemporaine, et Paris s’éveille, où Jean-Pierre Léaud tient le premier rôle. Dans Une Nouvelle Vie, Bernard Giraudeau joue un remarquable contre-emploi face à trois femmes, et dans L’Eau Froide, le réalisateur pose un regard sur la jeunesse sans repère des années 70, utilisant la musique – une autre passion – avec talent. En 1996, Jean-Pierre Léaud reprend du service pour incarner un réalisateur qui veut rendre un hommage aux Vampires, film muet de Louis Feuillade. Maggie Cheung, dans son propre rôle, doit jouer Irma Vep (anagramme de vampire) mais le tournage est catastrophique. Ça, c’est l’histoire du film. En vrai, tout se passe bien et cela donne l’occasion à Assayas de montrer l’envers du décor avec malice. Quant à la vraie vie, c’est le bonheur, puisqu’il épouse bientôt la belle Maggie. Après HHH, un hommage à Hou Hsiao Hsien, il réalise Fin août, début Septembre, où le duo Cluzet-Amalric est parfait, avant de s’attaquer à un gros morceau. Truffaut rêvait d’adapter les Destinées Sentimentales, de Jacques Chardonne ; Assayas l’a fait. Une saga familiale dans le monde de la porcelaine, et 3 heures de grand cinéma, magnifiquement maîtrisé, avec Emmanuelle Béart et Charles Berling. Le réalisateur revient à des préoccupations plus contemporaines avec Demonlover, une curieuse histoire d’espionnage dans le monde du manga, puis avec Clean, la reconquête de la normalité d’une femme de rock-star, dope et décadence incluses. Olivier Assayas et Maggie Cheung ont divorcé, mais la star obtient le prix d’interprétation à Cannes pour sa bouleversante prestation devant la caméra de son ex-mari. S’ensuit Boarding Gate, un thriller sur fond de meurtre sado-maso avec la toujours troublante Asia Argento. Après une série de tournages asiatiques, Assayas revient en France pour L’Heure d’Eté, film intimiste où il explore les méandres d’une famille, avant d’aborder le biopic de Carlos. Cette vaste fresque – déclinée en 2 versions, une pour la télé et une pour le cinéma – évoque la vie mouvementée et meurtrière du terroriste vénézuélien, impeccablement incarné par Edgar Ramirez, presque homonyme du vrai (Ilich Ramirez-Sanchez). On vous met en plus quelques courts-métrages, ses documentaires et vous aurez tout Assayas.
Si Paris-Cinéma rend des hommages, le festival est aussi l’occasion de ressortir quelques perles classiques sur copie neuve. Cette semaine au Grand Action, l’on pourra ainsi voir ou revoir le frissonnant Pulsions, de Brian de Palma, la pétillante Garçonnière, de Billy Wilder, le bouleversant Monsieur Verdoux, de Charlie Chaplin, et le « t’as de beaux yeux t’sais » du Quai des Brumes, de Marcel Carné. D’autres grandes ressorties suivront la semaine prochaine.
Et puis nous aussi, on a nos festivals ! A l’image de celui consacré au nouveau maître du cinéma russe Alexandre Sokourov. Une belle sélection du travail très particulier de cet héritier de Tarkovski avec La Voix Solitaire de l‘Homme, son film de fin d’études, Le Jour de l’Eclipse, premier succès critique, Sauve et Protège, adaptation de Madame Bovary, une trilogie familiale, Mére et Fils, Père, Fils, et Alexandra, qui aurait pu s’intituler Grand-mère et petit-fils. On verra aussi Moloch, portrait d’Hitler en figure du mal, et L’Arche Russe, un plan séquence virtuose dans le Musée de l’Ermitage qui résume deux siècles d’histoire de l’art.
Non sans vous rappeler que Moonrise Kingdom, le régal nostalgique et décalé d’Anderson joue toujours, signalons deux séances spéciales. L’une pour Zarafa, un chouette dessin animé africain de Rémy Bezançon, l’autre pour L’Enfance de l’Art et l’Homme qui n’a pas d’Étoile, western de King Vidor avec Kirk Douglas.
Bon Paris Cinéma.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action