Paris Cinéma sera toujours Paris Cinéma.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Du 3 au 13 juillet, les écrans de la capitale sont illuminés par l’ambitieuse programmation de Paris Cinéma, qui fait des Champs Elysées une naturelle prolongation de la Croisette. Mais la Rive Gauche, et notamment le Grand Action – sa meilleure salle selon le Figaro (voir notre précédente lettre) – participe aussi à la fête. Le Grand Action a été retenu pour accueillir, presque tous les soirs à 20h, les avant-premières des grandes ressorties de l’été : une sélection de chefs d’œuvre incontournables, de perles rares et de films méconnus, tous projetés sur copie neuve et présentés par un intervenant prestigieux.
La semaine dernière, c’était Nathalie Granger, Electra Glide in Blue, Vous ne l’Emporterez pas avec Vous et Du Silence et des Ombres, de Robert Mulligan, que nous ressortons en ce mercredi. Ce film, dont le titre original est To Kill a Mockingbird, est adapté d’un grand roman de la littérature américaine signé Harper Lee, amie et complice de Truman Capote. Vu à hauteur d’enfant, il raconte l’engagement d’un avocat (Gregory Peck) qui, dans l’Alabama raciste des années 30, prend la défense d’un ouvrier noir accusé de viol. La partie sera rude. Robert Mulligan, cinéaste qui fut longtemps injustement méprisé par la critique, réalise ici une œuvre touchante et l’une des plus belles plaidoiries contre les préjugés. La copie neuve de ce film, un classique aux USA et un peu oublié en France, permet de retrouver là son noir et blanc estampillé 60’s.
Quant à la deuxième vague de Paris Cinéma, elle commencera jeudi avec la Dame au Manteau d’Hermine, dernier film d’Ernst Lubitsch, qui mourut lors du tournage et fut suppléé, avec un infini respect pour le pétillant esprit lubitschien, par son ami Otto Preminger. Noël Simsolo, auteur, réalisateur et comédien, présentera ce film à la légèreté subversive où, sous les dehors d’une aimable comédie onirique et parfois musicale, se cache une causticité joyeusement incorrecte, teintée d’une pointe de mélancolie. Vendredi, nous reverrons avec plaisir le premier film américain d’un jeune (alors, nous étions en 1971) réalisateur tchèque : Milos Forman. Dans Taking Off (qui veut dire “décollage“, mais le titre n’a pas été traduit), le nouvel immigrant porte un regard doux-amer sur la société américaine par le truchement de la fugue hippie d’une adolescente de la middle-class new yorkaise. En suivant le parcours des parents, Forman jauge cette époque troublée en prenant le biais inverse des teen movies. Luc Lagier, critique et réalisateur, décryptera ce témoignage historique mêlant habilement fiction et documentaire, et qui demeure furieusement actuel. Nous n’allons pas nous appesantir sur Il Était une Fois dans l’Ouest, qui sera présenté samedi par Jean-Baptiste Thoret, critique et historien, spécialiste de Sergio Leone. Comme ce manifeste du western spaghetti sera dans nos salles à partir du 21 juillet, nous aurons largement l’occasion d’y revenir. Et de vous y préparer par les projections, cette semaine, de Pour Quelques Dollars de Plus, Le Bon, la Brute et le Truand, et Il était une Fois la Révolution.
Dimanche, Paris Cinéma nous proposera un petit bijou qui a marqué les esprits de tous les quadras-quinquas qui le découvrirent, enfant, en salle ou à la télévision. Le Voyage fantastique, de Richard Fleischer, est celui d’une équipe médicale, réduite à la taille d’un globule et envoyée, via une sorte de sous-marin, dans le corps du scientifique inventeur de ce procédé de miniaturisation et atteint d’une blessure au cerveau. Ce classique de l’anticipation, en technicolor psychédélique, est un formidable film d’aventure, une leçon d’anatomie poétique, et une vision, en pleine guerre froide (1966), de la lutte entre le bien et le mal. Ce n’est pas Alain Garel, historien du cinéma, qui viendra commenter cette aventure, qui nous contredira. Lundi, Alain Garel reviendra pour présenter Abattoir 5, de George Roy Hill. Réalisée entre Butch Cassidy et le Kid et l’Arnaque, cette fable philosophique dénonce les atrocités de la guerre, et notamment le terrible bombardement de Dresde par l’US Air Force. Évidemment, les fantasmatiques évasions du héros traumatisé font référence à une autre guerre, celle du Viêt-nam, qui en 1972, année de réalisation d’Abattoir 5, battait son plein. Paris terminera son cinéma avec The Swimmer, un film contestataire réalisé par Frank Perry. Comme ailleurs dans ce programme, c’est encore l’Amérique des années 60-70, avec à l’arrière-plan la même guerre du Viêt-nam, qui est mise pièce par ce film, interprété par un formidable Burt Lancaster à contre-emploi. Un témoin de l’époque, Marvin Hamlisch, compositeur de la musique (également de celle de l‘Arnaque, d’après Scott Joplin), viendra introduire cette dernière séance.
Pour finir, très rapidement car la place nous manque, encore deux films de notre Cycle d’Or – ces Messieurs Dames, excellente comédie italienne de Pietro Germi et les Parapluies de Cherbourg, magnifique drame chanté de Jacques Demy – et Brigadoon, une mélancolique comédie musicale de Vincente Minnelli, maître du genre, proposée par l’Enfance de l’Art.
Bonne semaine.