Panic in Detroit
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Les émeutes de Detroit en 1967, qu’Iggy Pop lui avait racontées, ont inspiré une géniale chanson à David Bowie (dans l’album Aladdin Sane) et le titre de cette lettre. 50 ans plus tard, elles offrent un sujet en or à Kathryn Bigelow qui, avec Detroit, met toute la presse d’accord : on parle du film de l’année et il sera dès mercredi à l’affiche du Grand Action. Detroit n’est pas le seul événement de la semaine, puisqu’après la soirée d’ouverture de mardi 8, le Festival des cinémas différents et expérimentaux bat son plein jusqu’à dimanche, avec des projections qui sortent le cinéphile de sa routine. Autre temps fort, mardi 17 à 20h, un Ciné-Club Positif animé par le charmant et cultivé Emmanuel Raspiengas. Il viendra nous parler de Snow Therapy, les étranges vacances montagnardes d’une famille suédoise, projeté après notre rituel cocktail d’ouverture. Quelques rescapés des précédentes semaines (Phase IV, Les Proies, Upstream Color et Certain Women) partagent le reste du programme avec un petit Cycle Kathryn Bigelow,
Dans Zero Dark Thirty, son précédent film (à l’affiche de son Cycle avec Strange Days et Le Poids de l’eau), Kathryn Bigelow ouvrait sur une scène d’interrogatoire musclée et assez marquante (avec Reda Kateb dans le rôle de l’interrogé). Une longue séquence du même ordre est au centre (dans tous les sens du terme) de son nouvel opus, Detroit, un film sur les émeutes qui ensanglantèrent la grande ville du Michigan en 1967. Alors que l’Amérique vit le traumatisme du Viet Nam et que la ségrégation, officiellement abolie, demeure forte, des coups de feu, tirés depuis un motel, mettent le feu aux poudres. La police, essentiellement blanche, va en profiter pour maltraiter la population noire en toute impunité. Accumulant les descentes violentes, les bavures et, comme on dit euphémiquement, les vices de procédures, les bad cops vont attiser les braises… C’est en filmant la guerre que Kathryn Bigelow a taillé sa réputation. Avec sa caméra nerveuse et mobile, elle excelle à créer et maintenir une incroyable tension dans toutes ses scènes. Dans Detroit, la guérilla remplace le conflit déclaré, mais la violence est la même. Voir pire car la ville est censée vivre en paix. Reconstitution minutieuse, interprétation puissante et mise en scène virtuose font de Detroit le grand film dont toute la presse parle.
La vie bascule souvent sur un simple incident, et la possibilité d’une catastrophe peut avoir des conséquences presque aussi graves que la catastrophe elle-même. Ainsi, même si l’avalanche annoncée épargne la station de sports d’hiver, la parfaite famille suédoise qui était venue s’y ressourcer va éclater. Voici le pitch de Snow Therapy, de Ruben Ostlung, qui obtint le Prix du Jury d’un Certain Regard à Cannes 2014. Les fans de la série 100% Humain (nous en sommes) retrouveront avec plaisir Johannes Kuhnke, qui interprétait Rick le robot sex friend, en mari trouillard. Après le cocktail orchestré par L’Intendance Suivra et coproduit par le Champagne Veuve Cheurlin, les jus Biguine Beauty et les pickles Les 3 Chouettes, Emmanuel Raspiengeas nous décryptera cette petite perle du cinéma suédois.
On peut voir le cinéma comme une distraction, un spectacle, un business ou un art. On peut aussi le voir comme un objet plastique, technique et producteur de sens. C’est ce regard là que Le Collectif Jeune Cinéma veut poser sur l’écran. Et son Festival des cinémas différents et expérimentaux, qui va se tenir de mercredi à dimanche, propose des « objets filmiques » différents et parfois radicaux. Cinéphiles curieux, ne ratez pas ce moment de découvertes, d’autant qu’une vraie ambiance de festival va battre au Grand Action avec la possibilité de boire et manger sur place, grâce à l’excellent Bruno de l’Intendance Suivra. Toutes les séances à 5 €, pour rencontrer le petit monde des inventeurs d’un possible autre cinéma.
Et si vous avez des petits à initier aux plaisirs du grand écran, avant de les emmener à ce festival, passez d’abord par l’Enfance de l’Art. Mercredi, elle nous propose un chouette dessin animé Le Parfum de la carotte, et dimanche, Les Fiancés en folie, un classique du burlesque de Buster Keaton.
Et avant de nous quitter, évoquons avec émotion la soirée magique que notre ami Sébastien Mayol avait organisé au Grand Action autour du film Un Eléphant ça trompe énormément, en présence de Jean Rochefort. Nous garderons à jamais le souvenir de son élégance, de son humour, et de sa capacité à éclater de rire en se voyant sur l’écran panoramique Langlois, entrainant ainsi toute la salle …
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.