« On ne ment pas quand on prie ».

Chères spectatrices, chers spectateurs, 

Cette très belle phrase est tirée de Oh, Canada, notre sortie de la semaine. Paul Schrader adapte dans son nouveau film l’un des derniers romans, quasi-testamentaire, de son ami Russel Banks, et donne le rôle principal à une autre vieille connaissance : Richard Gere. Un film crépusculaire sur la mémoire, la mort et le mensonge. Nos précédentes exclusivités gardent l’affiche, notamment le festif Noël à Miller’s Point, accompagné d’un cycle Tyler Taormina et le taxi-psychothérapeutique de Daddio réalisé par Christy Hall.  Nous aurons également le plaisir d’accueillir Alexis Langlois qui présentera son film Les Reines du drame samedi à 18h45 et chantera avec nous lors du  karaoké qui suivra. Commençons par les deux ciné-clubs de la semaine.

Noir Cinéma Club est une initiative de CIP (les Cinémas Indépendants Parisiens), et de son Projet Lab ; il laisse ainsi libre cours à de jeunes programmateurs qui s’intéressent aux films venus d’Afrique ou des Antilles. Mercredi à 20h, nous verrons Un dessert pour Constance, réalisé par Sarah Maldoror en 1981, l’histoire de deux éboueurs parisiens, Bokolo et Mamadou, qui se lancent dans la cuisine pour la bonne cause. La projection sera suivie d’un débat avec Bissai Media, un média associatif qui explore les récits d’immigration et d’héritage culturel.

Jeudi à 20h, le Ciné-Club La Relève, mené par une bande de dynamiques étudiants, nous raconte une autre histoire d’immigration, celle de Marjane Satrapi qui, avec Vincent Paronnaud, a adapté en animation sa BD Persepolis. Elle y évoque, avec humour, talent et acidité sa jeunesse dans l’Iran devenu République Islamique, puis son exil en Autriche. Débat à suivre avec Fariba Adelhah, chercheuse franco-iranienne.

Russel Banks est l’un des plus grands auteurs américains contemporains, très engagé à gauche. Un an avant sa mort en 2023, il publie Oh, Canada (Chez Acte Sud en France), la confession de Léonard Fife, un réalisateur qui a fui les USA pour échapper à la guerre du Vietnam, laissant derrière lui une bonne part de vérité… Paul Schrader porte à l’écran ce roman de Banks où l’homme, mourant, accepte de se raconter devant la caméra d’anciens étudiants… et surtout face à sa dernière épouse, incarnée par Uma Thurman. Ce film puzzle, éclaté entre les différentes époques de la vie de Fife, construit en creux le personnage, ses mensonges, ses lâchetés et ses failles. Vieux, et face à la caméra, Richard Gere est troublant de justesse et de force ; jeune, c’est Jacob Elordi, nouvelle idole du cinéma, qui l’interprète avec une élégance féline, dans une reconstitution très réussie des années 60. Que doit-on dire avant de mourir ? Que doit-on taire ? Et comment se souvenir quand la mémoire vacille et que le corps chavire ? Oh, Canada n’est certes pas une comédie, mais Schrader trouve la bonne distance pour donner à cette œuvre crépusculaire une belle humanité. 

Noël à Miller’s Point, où Tyler Taormina nous enferme dans la christmas party d’une bruyante famille italo-américaine avant de nous emmener prendre l’air avec la jeunesse de la bande, poursuit évidemment sa carrière. On retrouve dans ce film choral le côté un peu foutraque, et délicieusement libre, du réalisateur dont le cycle Tyler Taormina (Happer’s Comet et Ham on Rye) permet de réviser la courte mais prometteuse carrière. Regardez en fin de lettre tout ce que le Grand Action vous propose, dont un samedi soir queer et chanté avec le karaoké d’Alexis Langlois et ses Reines du drame.  

Mercredi prochain, nous fêterons Noël en frissonnant devant Nosferatu, film gothique signé Robert Eggers, qui sait très bien manier ce genre. Et on conclut avec les deux séances hebdomadaires de l’Enfance de l’Art.  Mercredi à 14h30, projection de saison avec Noël de petit lièvre brun, qui devrait ravir le très jeune public et, dimanche à 14h, Le Géant de fer, la jolie fable de Brad Bird, prendra tout l’écran !

Excellente semaine. 

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action