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L'Édito

Mieux vaut Tár…

L'Édito

Mieux vaut Tár…

Chères spectatrices, chers spectateurs, 

Après Babylon, le tonitruant dernier Damien Chazelle sorti mercredi dernier, nous continuons à programmer les meilleurs films du moment avec Tár, où Todd Field offre à Cate Blanchett l’un des rôles qui marque une vie de comédienne. Et nous poursuivrons la semaine prochaine en vous proposant Aftersun, de Charlotte Wells, que vous pourrez voir en avant-première samedi à 20h15 en présence de la réalisatrice. 

Lydia Tár est une cheffe d’orchestre. Dans ce monde très masculin, elle cultive sa différence, son irrévérence et le pouvoir conférée par sa baguette qui règne sur la musique et le temps. Mais, alors qu’elle répète la cinquième de Mahler – celle de Mort à Venise – tout en préparant sa biographie, son univers si bien réglé par son impérieuse volonté se détraque. En quête de la pureté du son, Lydia Tár se trouve affectée par le bruit qui court ; harcèlement, suicide, toxicité, favoritisme, l’icône au firmament pourrait-elle tomber de son piédestal ? Todd Field a débuté comme acteur dans les années 80 avant de passer à la réalisation au tournant du millénaire, notamment avec le sous-estimé Little Children. Il trouve ici une tonalité très particulière, presque expressionniste, pour composer son personnage, plus qu’incarné par Cate Blanchett. L’accord (et le travail) de la star fut déterminant pour concevoir Tár et Field confie que, sans elle, « le film n’aurait jamais vu le jour ». Dans ce portrait intime et fractalisé, elle est impressionnante de présence, de force et de profondeur psychologique. Sérieuse concurrente aux Oscar, Cate a déjà reçu la Coupe Volpi à la Mostra Venise et le Golden Globe. A ses côtés, notre Noémie Merlant nationale impose sa belle froideur en assistante de Tár et Nina Hoss, épouse et premier violon de la cheffe, se perd dans les méandres de sa partenaire. Les performances de jeu ne seraient rien sans l’audace de la réalisation. Plans séquences, montage osé, ruptures, Todd Field a pris des risques de mise en scène qui éblouirent Martin Scorsese. Une référence…

Loin de l’univers glacial et impitoyable de Tár, Charlotte Wells a composé un film délicat, intime et touchant sur les vacances d’un père et de sa fille. Aftersun raconte le souvenir mélancolique d’un été en Turquie, auquel le temps a donné une saveur très particulière. Paul Mescal, le papa, et Franckie Corio, la petite Sophie, sont bouleversants de justesse, délicatement saisie par Charlotte Wells. Si le premier long-métrage de cette jeune cinéaste écossaise sort mercredi prochain, vous pourrez le voir en avant-première samedi à 20h15, en sa présence. 

Foisonnant, aussi épuisant que réjouissant, Babylon est un spectacle brutal et audacieux. A travers 4 personnages – l’étoile usée (Brad Pitt, exceptionnel), la starlette déglinguée (Margot Robbie, désarmante et surarmée), l’immigré mexicain (Diego Calva, ambitieux et amoureux), le trompettiste noir (touchant Jovan Adepo), Damien Chazelle nous plonge plus de 3 heures dans la folie, la démesure et la monstruosité du premier âge d’or du cinéma. Cette fresque grandiose est ponctuée de moments de bravoure, remarquablement rythmés par l’antienne jazzy de Justin Hurwitz. Même si le pétillant montage n’en laisse pas toujours le temps, observez chaque recoin de la scène de la fête ou du plateau de multi-tournage. Le moindre figurant (et il y en a beaucoup) y joue avec conviction une partition écrite. Aussi excessif et déraisonnable que l’époque évoquée – les années 20 à Hollywood – Babylon est une célébration du cinéma, dans sa grandeur, sa beauté, sa cruauté et sa décadence. 

On retrouve également à l’affiche de la semaine – comme en bas de cette lettre – quelques un de nos récents succès, comme Les Banshees d’Inisherin, le dernier Martin McDonagh, étrange histoire de dés-amitié dans une île irlandaise, Ma Vache et Moi, un western burlesque de Keaton superbement restauré, et les amours adolescentes vues par Charlotte Le Bon dans Falcon Lake

Pas d’Enfance de l’Art cette semaine, mais nos derniers mots pour notre ami Paul Vecchiali, un enfant de l’art qui nous a quitté samedi dernier. Paul aurait eu 93 ans en avril et, toujours, il avait des projets, des idées, et sa contagieuse énergie à transmettre. La salle qui porte son nom nous aidera à nous souvenir de lui. Mais on n’aura pas besoin de ça. 

Bye Paul, et belle semaine aux vivants. 

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action