Mad Med.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
L’exploitation réduite à laquelle nous contraignent les travaux nous permet une programmation différente. Pour les deux semaines qui viennent, nous avons choisi de rendre hommage à un grand cinéaste. Med Hondo, infatigable combattant du racisme, pourfendeur du colonialisme, réalisateur protéiforme et révolutionnaire, est mort en 2019 à 82 ans. Peu de salles ont salué sa disparition. Ce sera chose faite dès mercredi 20h : projection en 35mm de son second film, Les Bicots-Nègres, vos Voisins, présenté par la politologue Françoise Vergès, qui ouvre notre cycle Med Hondo.
Descendant d’une famille d’esclaves affranchis et héritier d’une tradition maraboutique malienne, Med Hondo est né en Mauritanie en 1936. Il débarque à Marseille à la fin des années 50, vit de petits boulots et découvre surtout l’art dramatique et le cinéma. Porté par sa lutte contre l’oppression, il réalise deux courts-métrages, puis passe au long avec Soleil Ô où, avec des accents brechtiens, il évoque l’histoire d’un immigré africain qui découvre la « douce France » des années 60. Couronné d’un prix à Locarno et restauré en 2017, Soleil Ô permet à Med d’enchaîner avec Les Bicots-Nègres, vos Voisins. Issue d’une lignée politiquement engagée, Françoise Vergès, militante féministe antiraciste, nous présentera mercredi à 20h ce film patchwork qui propose une fine analyse économique, idéologique et culturelle du néo-colonialisme.
Également au programme West Indies, incroyable comédie musicale pamphlétaire qui démonte la colonisation française en Afrique et aux Antilles du XVIIe siècle à nos jours. Réalisé en 1979 et trop subversif pour être présenté en compétition dans les festivals de l’époque, West Indies a bénéficié d’une restauration 4K en 2021 au laboratoire Lumières Numériques de Lyon. Un travail minutieux supervisé par François Catonné, chef-opérateur du film, qui nous le présentera vendredi à 20h, accompagné de Farah Clémentine Dramani-Issifou, sélectionneuse à la Semaine de la Critique, chercheuse et curatrice d’expositions.
Mardi à 19h, c’est Binetou Sylla, directrice du label Syllart Records et enseignante, qui introduira Sarraounia, nom d’une reine qui, à la fin du XIXe siècle, s’opposa au corps expéditionnaire français. De cette page sinistre de l’histoire coloniale racontée par les griots, Abdoulaye Mamani a tiré un roman, et Med Hondo une remarquable fresque épique à grand spectacle.
A part Les Bicots-Nègres, vos Voisins, les trois autres films de Med Hondo ont été restaurés et exportés en 4K. Bonne nouvelle, nous avons le projecteur adéquat pour apprécier pleinement la qualité de l’image. Remercions le Harvard Film Archive et l’African Film Heritage Project, qui ont contribué à cette préservation patrimoniale, et surtout Ciné Archives, qui gère le fonds audiovisuel du Parti communiste français et du mouvement ouvrier. Depuis 2018, les responsables de Ciné Archives sont en charge de la préservation et de la diffusion de l’œuvre de Med Hondo. Son cycle, où nous espérons vous voir nombreux, n’existerait pas sans eux.
Survivants de cette tempête révolutionnaire africaine, nos deux indéboulonnables ovnis cinématographiques des 70’s conservent une séance. Longue vie à The Amusement Park, de Georges A. Romero, et The Wicker Man, de Robin Hardy.
Hondesque semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action