Les Magnifiques Sept.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Le 7e art aime le 7 : Max Linder avait ouvert le bal avec Sept ans de malheur, qui furent suivis de Sept Ans de Réflexion, auxquels s’ajoutèrent Sept épées pour le Roi, Les Sept Femmes de Barberousse, Sept Hommes à Abattre, Sept Jours en Mai, Sept Morts sur Ordonnance, Les Sept Péchés Capitaux, Les Sept Voleurs, sans compter Le Septième Sceau et Le Septième Ciel. Et puis, en 1954, il y a eu Les Sept Samouraïs, chef d’œuvre de rigueur, de composition, de rythme et d’interprétation de Kurosawa. Six ans plus tard, et sept ans avant de signer Sept secondes en enfer, John Sturges réalisait Les Sept Mercenaires (The Magnificent Seven), relecture américaine des héros de Kurosawa venus défendre des paysans harcelés par des bandits. Sturges avait débuté dans le cinéma comme assistant du grand Selznick avant de devenir un spécialiste du western (Fort Bravo, Règlement de Comptes à O.K. Corral, Le Dernier Train de Gun Hill). Fidèle à l’histoire japonaise – qui sonne d’ailleurs comme un western – il transposa ce combat du bien (rémunéré) contre le mal des deux côtés du Rio Grande. Menés par Yul Brynner, hiératique et tout de noir vêtu, Les Sept Mercenaires sont, à l’instar de leurs homologues nippons, fo rtement caractérisés : Bronson, la brute au grand cœur, McQueen, le super-tireur malin, Coburn, le froid virtuose du lancer de couteaux, Vaughn, le lâche qui se rachète… En face, la bande de méchants est dirigée par Calvera qu’Eli Wallach, visage taillé à la hache, incarne à la perfection. Sturges respectera scrupuleusement le scénario de Kurosawa et, grâce à sa distribution prestigieuse, la musique d’Elmer Bernstein (nominée aux Oscars), les somptueux décors et sa maîtrise du cadre et du genre, il créera l’un des plus grands westerns de l’histoire du cinéma. Nous vous proposons de le revoir dans notre salle panoramique qui respecte le format original 2,35-Panavision et sur une copie neuve qui restitue la richesse des couleurs du procédé DeLuxe. C’est le luxe en écran large !
Beaucoup plus intimiste, La Rumeur (Children’s Hour) continue de faire parler d’elle. Dans ce film, William Wyler explore les dégâts que peut provoquer une fausse accusation. Dans une école de jeunes filles d’une petite ville engoncée dans l’Amérique profonde, imaginer que les deux directrices puissent avoir une relation « contre nature » (comprendre homosexuelle) fait des ravages. Avec finesse et en jouant avec le code de censure, Wyler construit un drame psychologique magnifiquement servi par deux actrices d’exception : Audrey Hepburn et Shirley MacLaine. Vous avez été nombreux à venir voir ce film rare, dont la ressortie est due à la ténacité et à la curiosité d’un jeune distributeur : Marc Olry de Lost Films. Nous vous en remercions, comme nous ont remerciés les spectateurs qui sortent bouleversés et très agréablement surpris par ce film injustement méconnu.
Faute de place, nous avons dû restreindre notre programme dédié à la comédie italienne, mais avons gardé deux perles de Dino Risi. D’abord Les Monstres, où Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi se régalent (et nous avec) à composer deux dizaines de personnages tous plus odieux et drôles les uns que les autres. Ensuite le Fanfaron, où le même Gassman entraine dans son exubérant sillon un étudiant interprété par le jeune Jean-Louis Trintignant. Certains critiques ont vu dans ce road-movie tragi-comique une évolution vers la maturité de la comédie italienne. La psychologie et l’opposition des deux personnages sortent de la caricature, la satire sociale prend des accents documentaires, et l’utilisation de la voix off apporte une innovation au genre. A voir et à revoir.
Attention : L’Enfance de l’Art donnera cette semaine sa séance lundi à 14h. Ce sera Le Petit Fugitif, un film fondateur du cinéma indépendant américain, voire « le chainon manquant du cinéma moderne » selon Alain Bergala. Réalisé en 1953, la fugue de Lennie, 7 ans, est à montrer à tous les enfants, dès 8 ans.
Bonne semaine.