Les combats d’un homme certain et de certaines femmes.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Richard Loving, le héros du dernier film de Jeff Nichols, est certain de sa légitimité, de son bon droit, et surtout de son amour pour Mildred, sa femme. Ensemble, ils se battront pour faire admettre leur amour multicolore à l’Amérique raciste. Dans Certain Women (Certaines Femmes), Kelly Reichardt poursuit son œuvre singulière en dressant le portrait de quatre filles qui se débattent dans un monde compliqué. Deux films seulement au programme de cette semaine, avec Old Joy, rescapé du Cycle Kelly Reichardt et l’inusable Freaks, et un événement, en l’occurrence un Ciné-club Univers Convergents le mardi 28 février.
Kelly Reichardt fait travailler ses acteurs dans la sobriété. Cette jeune cinéaste résolument indépendante sait laisser les plans durer et le silence s’installer pour faire passer l’émotion. Elle a bénéficié d’un casting trois étoiles pour son nouveau film qui sort cette semaine. Michelle Williams, Laura Dern, Kristen Stewart et la toute jeune et formidable Lily Gladstone, sont ses Certaines Femmes qui font face à leur vie pas simple au fin fond du Montana, un état rural et dur. Certain Women est un monument de maitrise, aux cadres éblouissants, à l’image d’une beauté brute et sauvage accentuée par le tournage en 16mm. On aura paradoxalement rarement vu des personnages aussi fragiles, isolés et bouleversants dans le cinéma américain contemporain. Un film et une auteure à découvrir donc, et que nous sommes heureux de soutenir. Notez d’ailleurs que Old Joy, l’un de ses précédents films, est visible mercredi.
Richard Loving, qui donne son prédestiné nom de famille au dernier film de Jeff Nichols, compte bien vivre sur sa terre natale de Virginie son amour indéfectible pour Mildred, sa femme et mère de ses enfants. Mais Richard est blanc alors que Mildred est noire, et, au tournant des années 60, cet état raciste interdit les unions interraciales, au point de bannir ou d’emprisonner ceux qui enfreignent cette loi divine. On fait vraiment dire n’importe quoi à Dieu. Cette histoire vraie, qui laissa dans la constitution américaine un décret « Loving vs Virginia », est porté par un souffle aussi puissant que celui de la tempête redoutée de Take Schelter, le second film de Nichols. Avec une évidente simplicité et un soin dans la reconstitution, le réalisateur dépeint la quotidienne harmonie de la vie des Loving dans leur communauté bigarrée, avant la violente émergence d’une loi indigne qui les force à l’exil. Mais ils quittent leur terre promise dans leur Ford Crown Victoria, dont le logo annonce leur futur retour triomphal. Les acteurs (Joel Edgerton et Ruth Negga) sont impeccables d’économie de jeu, et Michael Schannon, comédien fétiche du réalisateur, fait une chouette apparition.
Aelita, réalisé par Yakov Protazanov en 1923, est l’un des tout premiers films de SF. Porté par le gigantisme soviétique triomphant de l’époque, il est donc parfaitement légitime pour apparaître au programme du Ciné-club Univers Convergents de mardi soir, une soirée film-débat lors de laquelle des scientifiques interrogent le cinéma. Après la projection de cette ode au système solaire accompagnée au piano par Robert Piéchaud (vous vous doutiez bien que le film était muet), le planétologue Sylvain Bouley, l’historienne Natacha Laurent et le chercheur en littérature Daniel Tron confronteront leur vision de l’espace tel qu’on l’imaginait dans les années 20. ça devrait nous emmener loin dans les étoiles…
Derniers mots pour l’Enfance de l’Art et sa La Mélodie du Bonheur, incontournable comédie musicale de Robert Wise.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du GA