Le déclin de l’empire américain.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Ce déclin est filmé dans le formidable Nomadland, notre sortie de la semaine réalisée par Chloé Zhao et multiprimée aux Oscar, et aussi dans The Amusement Park, cauchemar senior de Romero, qui tient l’affiche. Par ailleurs, notre ami Positif N.T. Binh, co-auteur avec José Moure de l’ouvrage Le Musical Hollywoodien, Histoire, Esthétique, Création viendra nous le présenter dimanche à 11h, en prélude à la projection de 42e Rue, comédie musicale de 1932, de Lloyd Bacon, avec une Ginger Rogers débutante. Ça ne nous rajeunit pas, mais c’est toujours un régal. Il y a d’autres événements cette semaine, dont on parle plus loin, mais ouvrons la route à Nomadland.
Telle Florence Aubenas, Jessica Bruder pratique un journalisme immersif. Pendant 3 ans, elle a vécu aux côtés des laissés-pour-compte du rêve américain, celles et ceux que la crise des subprimes de 2008 a mis sur la paille et jetés sur les routes, pour en tirer un bouleversant témoignage : Nomadland. Migrants dans leur propre pays, vivant dans de modestes vans, allant ça et là, ils fournissent une main d’œuvre corvéable, docile et bon marché aux profiteurs de misère qui s’engraissent à payer le moins possible les boulots supposés subalternes. Avec sa caméra poétique, Chloé Zhao a filmé les destins tragiques de ces nouveaux misérables. Pour incarner la société inégalitaire et ces vies paupérisées, elle a convoqué l’admirable Frances McDormand, qui incarne Fern, une sexagénaire qui décide de quitter son Nevada ruiné à bord d’un fourgon pauvrement aménagé. Un quotidien d’errance, de solitude, mais aussi de rencontres avec des personnages comme elle, nouveaux pauvres, parfois anciens riches, souvent victimes d’accidents de la vie, comme on dit pudiquement, tous brisés par la goinfrerie d’un capitalisme sans âme. Nomadland a décroché l’Oscar du meilleur film, de la meilleure réalisation et de l’interprétation féminine pour Frances. Vu sa prestation, on ne voit pas comment il aurait pu lui échapper.
Votre curiosité nous réjouit et valide nos choix de films. On n’était pas sûr que The Amusement Park, cet inédit de Georges A. Romero, commandé par une communauté religieuse luthérienne pour dénoncer les difficultés du grand âge, attire de nombreux spectateurs. Pourtant les salles sont pleines (dans la limite autorisée) pour découvrir cet hallucinant et halluciné cauchemar d’un vieil homme balancé dans un parc d’attraction, filmé en 1973 par l’auteur de La Nuit des Morts Vivant. Mercredi à 20h45 (car, oui, on rouvre en soirée !), Vincent Malausa, critique aux Cahiers du Cinéma, viendra nous raconter l’histoire de ce film oublié et pas très catholique, que les commanditaires chrétiens ont – évidemment – refusé. Un coup de poing de moins d’une heure.
Il y aura un autre évènement vendredi à 20h, organisé par Cinéfac, qui nous propose une série de courts-métrages « inventifs et audacieux, venus du monde entier ». Certaines équipes des films seront dans la salle pour débattre (masqués, mais en vrai) après les projections. Comme la séance est gratuite, pensez à réserver.
Alain Schlockoff, fondateur de l’Ecran Fantastique et du Festival du Film Fantastique de Paris, est un spécialiste du… fantastique ! Lundi à 20h15, il nous présentera The Wicker Man, bijou folk horror anglais, très 70’s et incongru de Robin Hardy, dont on a déjà beaucoup parlé, mais qui le mérite.
Cassie, la Promising Young Woman, écrite et réalisée par Emerald Fennell, conserve quelques séances. Un scénario original couronné d’un Oscar, et un filmage candy-pop pour cette drôle de tragi-comédie, servie par la formidable Carrey Mulligan.
Cette semaine, l’Enfance de l’Art nous propose, mercredi à 14h30, Mary et la Fleur de la Sorcière, un magique dessin animé japonais de Hiromasa Yonebayashi, et dimanche à 14h, La Reine Soleil, souveraine égyptienne rebelle animée avec talent par Philippe Leclerc.
Excellente semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action