La trace
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Si nous sommes nombreux à espérer laisser une trace, le père et sa fille de Leave no trace, nouveau film de la talentueuse Debra Granik que nous avons reçue dimanche dernier, ont à cœur de disparaître au regard du monde. Et pourtant, on a bien envie de les suivre… Si nous pourrons aussi voir Winter’s Bone, autre réalisation de cette figure du cinéma américain indépendant, ainsi que nos précédents succès (notamment BlacKkKlansman, le nouveau Spike Lee, et la réédition du Casino de Scorsese), cette semaine est aussi marquée par trois événements. Jeudi, Ciné-ma Russie remonte au front avec Brèves Rencontres, de Kira Mouratova, présenté par Eugénie Zvonkine. Samedi à 19h, l’équipe de Hostile, premier film post-apocalyptique de Mathieu Turi, viendra nous le présenter en avant-première. Enfin dimanche à 18h, nous inaugurerons un nouveau ciné-club consacré au décor de cinéma, Du Décor à l’écran, avec Delicatessen, de Jeunet et Caro, en la présence de Jean-Pierre Jeunet et du décorateur Jean Rabasse.
On connait le talent de Macha Méril et ses amis de Ciné-ma Russie pour dénicher des perles venues de l’Est. Ce sera encore le cas avec Brèves Rencontres, touchante histoire d’un trio amoureux au temps des Soviets. Jeudi à 20h30, la spécialiste du cinéma russe Eugénie Zvonkine viendra nous présenter ce film de 1967, et rendre hommage à Kira Mouratova, son réalisateur, décédé en juin dernier.
Né en 1987 à Cannes (prédestination ?), Mathieu Turi a fait ses armes dans le court-métrage puis en assistant des pointures, tels Tarantino ou Besson. Pour son premier long, il s’attaque au fantastique et suit Juliette qui, dans un monde en ruine et forcément Hostile, tente de survivre en évitant des zombies noctambules. Sauf, qu’une nuit, elle a un accident… Gregory Fitoussi, comédien, et l’équipe de production viendront samedi à 19h nous présenter l’avant-première de Hostile, tournée en anglais et dont la bande annonce façon Mad Max fait drôlement envie.
Le lendemain à 18h, un nouveau ciné-club prendra ses marques dans nos salles. Comme son intitulé le laisse entendre, Du Décor à l’écran s’intéresse à tout ce qui entoure les acteurs et invente leur cadre de jeu. Pour sa première, Du Décor à l’écran a invité Jean-Pierre Jeunet co-réalisateur et Jean Rabasse, l’un des décorateurs de Delicatessen. Signalons d’ailleurs que le film suivant de Caro et Jeunet, la Cité des Enfants perdus, valut à Jean Rabasse le César 1995. Après la projection de l’étonnante fable du boucher de Delicatessen et de ses voisins, les deux complices échangeront avec le public, qui les suivra jusqu’au Grand Bar pour un cocktail.
Les films sont les traces que les réalisateurs laissent à la postérité. Et nul doute que ceux de Debra Granik entreront au panthéon du cinéma indépendant. Pourtant, les personnages que suit cette jeune réalisatrice sont, eux, en marge du monde, au point de vouloir en disparaître. Adultes déboussolés, bikers rebelles, zadistes américains et adolescentes, livrées à elles-mêmes comme dans Winter’s Bone (qui révéla Jennifer Lawrence), ou éloignées du monde comme la formidable Tom, alias Thomasin McKenzie, de Leave no trace. Nous reprenons cette semaine le premier film cité, réalisé en 2010, et sortons en exclusivité le second. Debra y raconte la vie sauvage d’un père, vétéran fracassé devenu survivaliste bienveillant, et de sa fille de 15 ans au milieu de la forêt. Sauf que la forêt en question est un Parc National et que les autorités n’entendent pas qu’on y habite, même sans laisser de trace. Elles tenteront de civiliser les deux marginaux volontaires, qui devront inventer leur nouvelle liberté. Basée sur une histoire vraie et un roman de Peter Rock, Leave no trace parle de choix de vie et de normalisation sociale, et n’évoque qu’en creux ce qui a conduit Tom et son père à prendre la tangente. Film sensible et plastiquement superbe, il est porté par les talents de la jeune Tom et de Ben Foster, aussi économe en mots qu’il est généreux en émotions.
Outre la reprise sur copie neuve de Casino et le nouveau BlacKkKlansman, accompagné d’un Cycle Spike Lee (Do the Right Thing, Miracle à Santa Anna, signalons une projection des Ailes du Désir, film culte de Wenders lundi à 18h30. Et terminons avec l’Enfance de l’Art. Mercredi à 14h30, initiation au cinéma avec Dans la forêt enchantée de Oukybouky, dessin animé norvégien, et dimanche à 14h, Le Nouveau, comédie collégienne de Rudy Rosenberg.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.