La semaine des chefs-opérateurs.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Nous recevons ce soir une jeune Directrice de la Photo dans le cadre de notre mensuel Ciné-Club Louis-Lumière. Nous lui donnons rendez-vous samedi 12 octobre, comme à tous ses homologues, pour une journée exceptionnelle pour les passionnés de l’image au cinéma : Vilmos Zsigmond sera dans nos salles pour deux projections (merci à pierre filmon – qui prépare un film avec lui). Comment ?… Vous ne voyez pas qui est Vilmos Zsigmond ? Que ceux qui l’ignorent apprennent qu’il est chef-op emblématique du Nouvel Hollywood, qu’il a travaillé avec Altman, De Palma, Allen, Rydell, Schatzberg, Scorsese, Spielberg, et qu’il présentera samedi La Porte du Paradis et Délivrance, de respectivement Cimino et Boorman, qu’il eut la responsabilité d’éclairer. Rien que ça ! Si cette rencontre est évidemment le temps fort de la semaine, il n’est pas le seul puisque notre Ciné-Club Positif célèbre le palmé et sulfureux Abdelatif Kechiche, dont nous verrons l’Esquive, présentée par Eithne O’Neill. Et puis un nouveau Cycle sur Hollywood et l’Envers du Décor rejoint le toujours à l’affiche Paper Moon, de Peter Bogdanovich, et notre autre Cycle l’Est à l’Ouest, mené par le Runaway Train de Konchalovsky.
Samedi, les festivités commenceront en milieu d’après-midi avec, à 16h15, la projection de La Porte du Paradis, épique épopée maudite, marxiste et formidable, qui valut à Michael Cimino une excommunion hollywoodienne. Vilmos Zsigmond était de l’aventure de cet interminable tournage qui ruina un studio (Unided Artist) et fit l’un des bides les plus retentissant de l’histoire du cinéma. Aujourd’hui considérée comme une merveille du 7e Art, La Porte du Paradis est sortie de l’enfer. Malgré (ou à cause de) ses 216 minutes, le film mérite vraiment d’être vu, surtout en présence de son chef-opérateur qui débattra avec la salle à l’issue de la séance. Puis, malgré ses 83 ans, Vilmos Zsigmond restera avec nous pour présenter un de ses autres chef d’œuvres, Délivrance, où John Boorman transforme une paisible partie de pêche entre potes en cauchemar éveillé au son du banjo. Les deux films sont évidemment présentés en copie numérique restaurée, ce qui devrait ravir l’œil de Vilmos.
Mardi 15 à 20h, nous retrouverons nos amis de la meilleure revue de cinéma du monde de la terre pour le Ciné-Club Positif d’octobre. Actualité oblige, le filmage d’Abdelatif Kechiche (dont la Vie d’Adèle sortira le lendemain) sera décortiqué par Eithne O’Neill, la pétillante Irlandaise de la rédaction. Elle s’appuiera notamment sur L’Esquive, qui précédera le débat. On reverra avec plaisir cette plongée délicatement rugueuse dans le monde des lycéens de banlieue qui s’essayent au marivaudage. Le film révéla Sara Forestier, merveilleusement décalée dans sa robe 18è cousue par le couturier Chinois du coin de la cité.
Pour annoncer la prochaine réédition de Barton Fink des Frères Coen (le 16 octobre), nous vous avons concocté un Cycle Hollywood et l’Envers du Décors. Avec tendresse, perversité, humour, sarcasme, dureté, amertume parfois, Hollywood adore se regarder la colline. Et les meilleurs films sur cette capitale du cinéma sont ceux qui montrent le versant que les studios veulent cacher. Ainsi le portrait au vitriol du producteur Harry Peble dans Les Ensorcelés de Vincente Minelli, le tragique destin de la star Fedora, de Billy Wilder, ou lorsque le réel rejoint la fiction dans Road to Nowhere, de Monte Hellman. On verra aussi la quête d’un réalisateur veuf porté par le Démon des Femmes, de Robert Aldrich, les relations cinglés d’un cinéaste et d’une star dans Cecil B. Demented, du non moins cinglé John Waters, et les doutes d’un scénariste dans Adaptation de Spike Jonze. Egalement au programme l’inénarrable Party, de Blake Edwards et Inland Empire, où David Lynch, plutôt que de réaliser un film, nous entraîne dans une expérience.
Comme Vilmos Zsigmond, qui a fuit sa Hongrie natale après Budapest 56 (qu’il avait filmé), de nombreux artistes ont quitté leur Pays de l’Est pour passer à l’Ouest. C’est le thème de cycle d’Est en Ouest, mené par Konchalovsky dont le Runaway Train fonce toujours vers son destin. Parmi les wagons, on verra le délicieux Taking Off, de Forman, l’amoureux Deep End, de Skolimowski, l’ambigu Double Vie de Véronique, de Kieslowski, le grinçant Bal des Vampires de Polanski, le sulfureux Important c’est d’Aimer, de Zulawski, l’aérien Arizona Dream, de Kusturica, et le sombre Sacrifice, de Tarkovski.
Même s’il arrive en fin de lettre, Paper Moon, tendre et amer road-movie de Peter Bogdanovitch est toujours la vedette de notre programme. Si vous ne l’avez pas encore vu, précipitez-vous ; c’est juste et touchant, et servi par un très beau noir et blanc. Nous conseillons à tous les pères de jeunes filles de venir voir les succulents échanges de Rian et Tatum O’Neal, père et fille dans la vie et à l’écran.
Terminons vite avec l’Enfance de l’Art, qui nous sert un programme de courts métrages burlesques, mené par Chaplin, Keaton, et Etaix.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.