Jeu de massacre.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Quel film, tourné à l’arrache pour 60 000 dollars en rapporta plus de 30 millions ? Fut vilipendé, conspué, interdit, avant l’intégrer les collections permanentes du prestigieux MOMA ? Lança une tendance lourde du cinéma et inspira de nombreux réalisateurs, en n’étant quasi pas sorti en salle ? La réponse, c’est Massacre à la Tronçonneuse, film insoutenable et culte réalisé par Tobe Hooper il y a 40 ans, et qui renait cette semaine en copie neuve. Si ce film marquant est la vedette de notre programme, il y a tout de même des moyens d’échapper à la folie tronçonnaire. A commencer par deux événements. Le premier – et dernier du cycle Les Années 50 au Cinéma – avec Lise Brisson du Palais Galliera qui nous propose Et Dieu créa la Femme, où Vadim créa Bardot. Le second avec le Ciné-Club Louis Lumière, et Mister Nobody, de Jaco Van Dormel, présenté par Christophe Beaucarne. Et puis il y a aussi nos succès des semaines précédentes : Seuls sont les Indomptés, de David Miller, We Can’t Go Home Again, Seconds et le cycle Sergio Leone.
Quel curieux film d’anticipation que celui où Jaco Van Dormel nous embarque dans l’histoire de Mister Nobody, le dernier mortel à vivre sur Terre. De cette fable étrange, Jaco fabrique une œuvre étonnante et éclatée, magnifiquement éclairée par Christophe Beaucarne, un chef opérateur Belge qui a notamment travaillé avec Amalric, Klapisch, Fontaine, Giannoli, Podalydes et les frères Larrieu. Christophe sera dans la salle, mardi soir après la projection, pour débattre avec nous.
C’est à regret que nous vous annonçons la dernière séance du cycle Les Années 50 au Cinéma, lors duquel notre amie Lise Brisson nous a apporté sa culture du costume de la décennie d’après-guerre. Pour cet ultime vendredi, nous verrons en sa présence Et Dieu créa la Femme, film symbole de l’époque et de la liberté féministe. Merci Lise pour ces 16 vendredis passés ensemble, et à bientôt.
Né en 1942, Tobe Hooper est un pur produit de la contre-culture contestataire américaine des années 70. Mais il fut aussi abreuvé par la violence, institutionnelle comme marginale, de son Texas natal. Après un premier film qui passe inaperçu (comme la plupart d’ailleurs de ceux qu’il dirigera sauf Massacre, évidemment, et peut-être Poltergeist), il découvre La Nuit des Morts Vivants, chef d’œuvre zombi de George Romero. S’inspirant de ce modèle d’horreur fauché et de quelques tueurs en série du cru texan, il écrit un scénario basique où une famille d’équarisseurs dégénérés s’acharne sur une bande de hippies paumés. Dans un supermarché bondé, Hooper a la révélation au rayon tronçonneuse. Cette arme absolue, bruyante, terrifiante, implacable, sera la véritable héroïne du film, plus encore que l’actrice Marilyn Burns, dont les cris stridents résonnent encore à nos oreilles. Tourné dans des conditions épouvantables, Massacre à la Tronçonneuse (The Texas Chainsaw Massacre) provoqua un rejet à sa sortie. On n’avait jamais rien vu d’aussi sanglant. Marqué du sceau infamant du X en France, le film est cantonné au circuit de ces salles spécialisées, qui préfèrent toutefois diffuser du bon vieux porno. Mais la vidéo, grâce notamment à la VHS de René Chateau, va permettre au brûlot cinématographique d’avoir une véritable carrière et d’être considéré comme l’un des fondateurs du cinéma d’horreur. 40 ans plus tard, Massacre à la Tronçonneuse est d’ailleurs reconnu comme tel et, lors de la projection de la nouvelle copie au dernier Festival de Cannes, Hooper reçut une « standing ovation » du Palais. Quelle ironie ! Peut-être aussi voyait-on enfin que le film avait une portée sociale et que, comme Easy Rider, il symbolisait la fin des utopies du flower power. « C’est sa nature hybride, déglinguée, entre fait divers réaliste, conte macabre et cartoon satirique qui fait le prix du classique de Tobe Hooper » écrit Nicolas Schaller dans l’Obs. Répétons toutefois que le film, interdit au moins de 16 ans, est tout de même très-très-très violent. Cela dit, le voir pour Halloween est une expérience cohérente ! Mais sans les enfants.
Enfants qui se régaleront en revanche avec La Belle et le Clochard, Disney de Wilfried Jackson, que nous propose l’Enfance de l’Art. Pour une fois, on ne termine pas avec elle, puisque nous devons rappeler que, outre le cycle Sergio Leone, d’autres films poursuivent leur belle carrière au Grand Action, et notamment Seuls sont les Indomptés, où Kirk Douglas tente, en vain et comme tout le monde, de résister au temps qui passe.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.