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L'Édito

Indignons-nous !

L'Édito

Indignons-nous !

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Un titre hommage au vieux Hessel qui nous avait montré la voie pour introduire la sortie de la semaine, Promised Land. Dans son dernier film, Gus Van Sant s’attaque aux gaz de schiste avec la complicité de Matt Damon. Mais le titre indigné convient aussi pour le Ciné-Club Louis Lumière de dimanche et les cailleras rebelles de La Haine, mis en scène par Mathieu Kassovitz. Pierre Aïm, chef opérateur du film, nous honorera de sa présence. La boxe, pratiquée dans la Haine par Hubert Koundé, fait le lien avec celle des héros marginaux de Kids return, de Takeschi Kitano qui ouvrira la séance de vendredi de notre Festival Les Insensés passent à l’Action. Survivants entre sorties et événements, nos films de la semaine dernière restent visibles. Passion, de De Palma, Django Unchained, de Tarantino, le Cycle Marco Bellocchio et celui consacré à Harmony Korine, avec Spring Breakers en vedette, Khroustaliov, ma voiture ! d’Alexeï Guerman, et même le formidable César doit Mourir, des Frères Taviani, vous sont toujours accessibles.

C’est donc vendredi à 20h que les Insensés passeront à l’Action avec la projection de Kids Return, de l’iconoclaste Takeschi Kitano. Il y raconte l’histoire de deux gamins en rupture qui cherchent une issue dans la boxe. Si le plus doué des deux mettra les gants, l’autre s’engagera dans la voie des Yakusas, les terribles mafias japonaises. La séance sera présentée par Frédéric Brument, directeur de la Collection Les Insensés aux Editions Wombat, et Xavier Leherpeur, critique de cinéma. La soirée se poursuivra autour d’un verre, où l’on causera cinéma et littérature, notamment des livres caustiques publiés par les Insensés.

Le Ciné-Club Louis Lumière poursuit ses séances dominicales avec la Haine, à 16h30, précédé du court-métrage Voleurs d’Image, de Bruno Pujebet. Mathieu Kassovitz a filmé au plus près une « crise en banlieue », à travers le parcours de trois jeunes : Vincent Cassel, Hubert Koundé et Saïd Taghmaoui, ce dernier co-signant le scénario. Entre tours grises, grands frères et cars de CRS, la Haine des gamins monte et nul ne sait comment l’arrêter. Pour ce film sombre, Pierre Aïm, l’un des grands noms du monde des chefs opérateurs français, a soigné un noir et blanc aussi contrasté que les sentiments des protagonistes. Il parlera de son travail à l’issue de la projection et poursuivra l’échange autour d’un verre.

Outre ces deux événements, la vedette de la semaine est bien évidemment Promised Land. Un film de Gus Van Sant est toujours attendu, surtout lorsqu’il évoque un sujet qui fait polémique des deux côtés de l’Atlantique : l’exploitation des gaz de schiste. De l’autre, aux Etats-Unis donc, la loi diffère de cette de notre vieux monde. Les propriétaires possèdent leur sous-sol et chacun peut donner – ou non – l’autorisation de forer. D’où les démarches – et les mensonges – des majors de l’énergie et des prospecteurs qu’elles envoient sur le terrain. A eux, entre promesses de dollars et d’innocuité sur l’environnement, de convaincre des paysans d’une Amérique ravagée par la crise de céder le droit de creuser des puits sur leur terrain. Voici donc le boulot de Matt Damon et Frances McDormand, deux agents d’une multinationale accueillis (presque) à bras ouverts dans un patelin paumé. La résistance au gaz, d’abord incarné par un vieux prof, s’accentue avec l’arrivée d’un activiste écolo hyper sympa et convainquant. Il y a pas mal d’ironie dans Promised Land, à commencer par le titre. Car la terre, dès lors qu’on la perce et la fracture pour en tirer son gaz, est surtout promise à la mort. Ironie et contre emploi dans la prestation de Matt Damon en « méchant gazier » portant un faux nez de « bon gars », et la performance de Frances McDormand qui, sans faire de vague, confirme son statut de grande comédienne. Ironie encore dans la démarche de l’écolo, incarné par John Krasinski qui co-signe le script avec Matt. Car ces deux là n’hésitent pas à s’impliquer dans la vie politique pour, notamment, dénoncer avec véhémence le poids des lobbies et les dangers du schiste. Gus van Sant à mis son savoir faire au service de ce scénario militant, et réalise avec goût et classicisme un film qui ouvre le débat.

Rappelons vite avant de conclure que les œuvres citées en début de lettre sont toujours visibles, et que, outre le récent Spring Breakers, le Cycle Harmony Korine, jeune cinéaste de la jeunesse et de ses dérives, comprend deux films de lui (Julien Donkey Boy et Mister Lonely) et un troisième – Ken Park – dont il a signé le scénario mais qui a été réalisé par son mentor, Larry Clark. Quant au Cycle Marco Bellocchio, il vous donne l’occasion de voir ou revoir des films anciens (Les Poings dans les PochesLa Chine est Proche), l’un de ses plus célèbres (Le Saut dans le Vide avec Michel Piccoli et Anouk Aimée) et d’autres plus récents (le Sourire de ma MèreBuongiorno Notte, et  Le Metteur en Scène de Mariages).

Dernières lignes en musique, pour l’Enfance de l’Art et Un Américain à Paris de Vincente Minelli, et en frissons pour vous annoncer notre Cycle John Carpenter qui débutera mercredi prochain.

Très bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action