Il était une fois Paris Cinéma.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Aussi régulier que le retour de l’été, voici celui du festival Paris Cinéma qui fait briller les écrans de la capitale. Partenaire historique – et de plus en plus impliqué – de ce rendez-vous, le Grand Action vous propose cette semaine plusieurs belles ressorties (un Lumet, un Lean, un Wyler, un Altman, du lourd quoi !) et une rétrospective hommage à Don Siegel. Cet esthète de la violence, grand maître de la série B, qui a donné au genre certaines de ses lettres de noblesse et a souvent largement dépassé son cadre réducteur et un peu péjoratif, contribua à faire de Clint Eastwood une star. Ce dernier dédia d’ailleurs son western Impitoyable à Don, qui l’avait fait exploser comme acteur et lui avait permis de s’imaginer réalisateur. En périphérie de Paris Cinéma, quelques films de nos semaines précédentes, avec en vedette Il Etait une Fois en Amérique, énorme fresque New Yorkaise de Sergio Leone, et Midnight in Paris, délicate et fantasque aquarelle parisienne de Woody Allen. Et tous ces films bénéficient du luxe de notre nouvelle installation numérique, et du confort de nos fameux projecteurs Christie, qui changent la vision du cinéma. En bien.
Commençons donc par les grandes ressorties de l’été avec un alléchant programme au Grand Action. Nous recevrons d’abord Pierre Murat, célèbre Téléramiste, pour présenter A la Recherche de Garbo, réalisé par Sidney Lumet en 1984. Un bon fils veut exaucer le vœu de sa mère malade : lui permettre de connaître la divine Garbo qu’elle admire depuis toujours. La quête sera longue, jonchée de difficultés et de rencontres savoureuses. Ann Bancroft y est magnifique. Si David Lean est surtout célébré pour ses grandes sagas historiques, il connut son premier succès en 1945 avec un drame intimiste : Brève Rencontre. La construction en flash back et la voix off font subtilement passer le trouble de l’héroïne, interprétée par Celia Johnson. Comme on apprécie toujours la vision de Paris des Américains, on se régalera devant Comment Voler un Million de Dollars, dont la séance de lundi 20h sera présentée par Marc Olry, distributeur du film. Expositions de prestige, collectionneurs fous, copistes de talent, artistes illuminés, le monde de l’art parisien vu par William Wyler est savoureux. Surtout quand Audrey Hepburn mène la danse. Robert Altman est l’un des plus grands filmeurs du cinéma choral. Si dans Short Cuts il a atteint des sommets, il avait déjà, pour Nashville, réussi à voler d’un personnage à l’autre pour donner un portrait remarquable de la capitale de la country music. La bande son est superbe et non, ce film, témoignage remarquable sur les années 70, n’est pas un documentaire ! Chapeau l’artiste.
A propos d’artiste qu’il convient de saluer, parlons de Don Siegel. Entré par la petite porte chez Warner, Donald fut d’abord monteur (excellente école pour comprendre comment organiser les scènes d’action) avant qu’on lui laisse toucher à la caméra. Bonne pioche, ses 2 premiers courts métrages décrochent un Oscar. Il dirige alors Robert Mitchum, en délicatesse avec la loi (en fait il était en prison pour une affaire de stupéfiant), dans Ca Commence à Véra Cruz. Avec Mitchum, Siegel ébauche une figure de héros nonchalant et ironique qu’il ré-exploitera plus tard. En 1956, il signe l’un de ses plus célèbres films qui est pourtant sa seule incursion dans le fantastique. Invasion of the Body Snatchers (les voleurs de corps, et non les Profanateurs de Sépultures, comme l’a malencontreusement interprété le traducteur de l’époque) raconte une attaque extraterrestre de squatteurs d’humains. Mais on peut voir dans ce bijou de la série B une dénonciation du fascisme. En 1964, Siegel réalise A Bout Portant, nouvelle lecture d’un court roman noir d’Hemingway, The Killers, déjà adapté par Siodmak. La séance de dimanche 18h sera présentée par Serge Cauvin, critique. En 1968, débuts de la collaboration avec Clint Eastwood, pour Un shérif à New York, flic aux méthodes expéditives, prémices de L’Inspecteur Harry, autre policier radical, qui vaudra à ses inventeurs une réputation (assez fausse) de gros réacs. Entre temps, les deux compères auront aussi tourné Les Proies, où Eastwood casse son image en jouant le rôle d’un mauvais soldat de la Guerre de Sécession trouvant refuge dans un pensionnat de jeunes filles. Dans Un Espion de Trop, c’est Charles Bronson qui joue les gros bras, mais Siegel retrouvera son cher Clint pour l’Evadé d’Alcatraz, formidable film de taulards au suspense haletant. Pendant toutes ces années, Siegel aura peaufiné sa stylisation de la violence, et passé le virus de la caméra à un futur grand metteur en scène : Clint Eastwood.
Paris Cinéma occupe nos écrans, mais laisse un peu de place. Et il en faut pour les 3h50 de Il Etait une Fois en Amérique, film « larger than life » où Leone raconte l’ascension d’un petit truand de Brooklyn incarné par De Niro. Un peu aussi pour le Midnight in Paris, de Woody Allen et La Nuit du Chasseur de Charles Laughton. Plus pour quelques uniques séances du Baiser de la Femme Araignée, de Hector Babenco, des Chaussons Rouges et du Narcisse Noir, de Powell et Pressburger, de La Piscine, de Deray et de l’inépuisable « True Grit » des Coen.
Cette lettre est longue, mais il y a beaucoup de films. Bonne semaine.