Il était une fois le crime.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Les contes de fées débutent toujours par le fameux « Il était une fois ». Mais cette promesse d’histoire n’est pas toujours annonciatrice de princes et de princesses. Si l’amour est un sublime sujet, l’on sait aussi depuis Adam, Eve, Abel et Cain, que la concupiscence, le meurtre et la trahison font éclore la narration. Sergio Leone, avec Il Etait une Fois en Amérique, raconte comment est née une certaine Amérique, prospérant sur le vice et le crime dans les bas-fonds de New York. Notre cycle Il était une Fois la Pègre accompagne cette large fresque où les méchants sont les héros. Don Siegel, esthète de la violence au cinéma, complète assez logiquement ce programme criminel, tout comme la Nuit du Chasseur, de Charles Laughton.
Mafieux italo-siciliens, gangsters irlandais, narcotrafiquants latinos, truands chinois, Crips et Bloods afro-américains ; ces criminels ont tout autant fondé l’Amérique que les Colons du Mayflower, les troupes de Lafayette et les chercheurs d’or. Le cinéma s’est logiquement emparé de ces patibulaires figures pour nourrir nos fantasmes. Mais le crime peut être traité de bien des manières. S’appuyant sur l’authentique massacre de la Saint Valentin, mais aussi sur la sublime Marilyn, Billy Wilder invente un chef d’œuvre de comédie : Certains l’Aiment Chaud. Tout le contraire de James Gray qui, en bon entomologiste des trahisons familiales, plonge dans le monde nauséeux de The Yards. L’énorme Forest Whitaker est Ghost Dog, de Jim Jarmush, un étrange tueur noir qui puise son code d’honneur dans l’éthique samouraï. Dans Les Affranchis, le docteur es-mafia Scorsese raconte l’ascension d’un gangster de Little Italy, et sa descente sur une montagne de cocaïne. La drogue est aussi le vicieux moteur de la French Connection, mythique film de William Friedkin. Petit détour par l’Asie avec Last Life in the Universe, de Pen-Ek Ratanaruang, où un bibliothécaire japonais vivant à Bangkok tue un Yakusa et s’attire, du coup, pas mal d’ennuis. L’Asie viendra ensuite en Amérique sous la baguette de Michael Cimino qui, dans l’Année du Dragon, décrie avec virtuosité la manière dont les bandits Chinois se sont intégrés dans le monde du crime yankee. Evidemment nous ne pouvons évoqué ce cycle sur la pègre, sans vous reparler de cet Il Etait une Fois en Amérique, qui l’a provoqué. Leone suit dans ce film « larger than life » la grandeur et la chute de deux truands Juifs. 50 ans de carrière dans le crime en 3h40 d’immense cinéma, sur une magnifique copie neuve.
Il était normal que Don Siegel, plébiscité et redécouvert grâce au festival Paris Cinéma, demeurât à l’écran alors qu’arrivait la pègre. Car ce faiseur de génie a inventé avec son complice Eastwood des flics radicaux, empruntant ses méthodes au crime contre lequel il lutte. Mais si Un shérif à New York et L’Inspecteur Harry sont du côté de la justice (expéditive), Don et Clint surent passer sur l’autre rive (dans tous les sens du terme) avec l’Evadé d’Alcatraz. Avant cette rencontre, dans les années 50, Siegel avait aussi réalisé un étrange western avec Mitchum, Ca Commence à Véra Cruz, un bijou du fantastique, Invasion of the Body Snatchers, et quelques films noirs, comme A Bout Portant. En fin de carrière, il offrit aussi un beau rôle d’Espion de Trop à Charles Bronson.
Pour compléter ce programme sanglant, le cauchemar enfantin de la Nuit du Chasseur, stylisé par Charles Laughton et incarné par le déjà cité Robert Mitchum, la Piscine, de Jacques Deray, qui est un autre mauvais rêve, tropézien cette fois, et Jeune et Innocent, le sale trip d’un brave type à la recherche du vrai coupable de l’assassinat dont il est accusé. Le grand Hitchcock est aux manettes, et c’est l’Enfance de l’Art qui nous propose de revoir ce classique.
Belle semaine crapuleuse en attendant Les Contes de la Nuit, féerie en 3D de Michel Ocelot.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action