Friedkin, De Palma, Dupieux et les autres.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Cette semaine est marquée par trois événements, deux cycles et une exclusivité, en l’occurrence le diabolique Killer Joe, dernier film de William Friedkin. Nous lui consacrons également un cycle, l’autre célébrant Quentin Dupieux, un jeune cinéaste français barjo qui filme comme un vieux briscard yankee.
Quant aux événements, il y a du lourd, et pour tous les goûts. Version classique, c’est jeudi soir, le retour du Cinéma-Club, avec une projection de A l’Est d’Eden, variation d’après Steinbeck du mythe d’Abel et Caïn. Le jeu animal de James Dean illumine ce chef d’œuvre du grand Elia Kazan, qui sera commenté par Michel Etcheverry. Le débat se poursuivra lors d’un cocktail.
Version Ouap-dou-ouap, c’est le choix de I Like Cinéma, le cinéma participatif 2.0 dont nous sommes partenaire. On vous rappelle le principe dont vous trouverez tous les détails sur le site : des internautes demandent ou s’inscrivent pour un film qui, s’il obtient assez de votes, est projeté. Les fans de rock et de banane graisseuse se sont mobilisés et se retrouveront samedi soir pour la projection de Grease (qui signifie graisse, en l’occurrence à cheveux, donc la gomina ou la Brillantine, qui est d’ailleurs le titre québécois). Cette comédie musicale nous plonge dans une High school des années 50, où John Travolta fait virevolter Olivia Newton-John. Immense succès populaire réalisé en 1978 par Randal Kleiser (qui n’est pas entré au Panthéon des cinéastes), Grease dégage toujours une belle énergie.
Version nouveau cinéma (qui depuis est devenu classique), il faudra attendre mardi 2 octobre pour le Ciné-Club Louis Lumière. Faire du nouveau cinéma, comme Nathalie Sarraute et Robbe-Grillet faisaient du nouveau roman, était le but d’Agnès Varda lorsqu’en 1985, elle réalisa Sans Toit Ni Loi. Vrai faux documentaire d’une absolue neutralité, le récit suit l’errance d’une jeune vagabonde qu’interprète magnifiquement Sandrine Bonnaire. Le directeur de la photo du film, Patrick Blossier, sera parmi nous pour débattre de l’étonnante froideur de l’image, reflet de la vie de l’héroïne. L’occasion aussi d’évoquer la rigueur, du cadre comme du propos, de notre chère Agnès.
De Sans Toit ni Loi à sans foi ni loi, il n’y a qu’une petite consonne que fracassent Killer Joe et le ramassis de minables, de pleutres et de salopards qui peuplent l’excellent dernier film de William Friedkin. Cette réjouissante, et parfois gore, plongée dans le bas-fond de la redneckerie texane dans ce qu’elle a de plus amoral, est d’une remarquable roublardise. A l’image de Friedkin lui même, vieil emmerdeur de talent qui filme plus vite que son ombre, avec un amour de la noirceur et un certain humour. Dans le cycle que nous lui consacrons, nous retrouverons certains des films qui ont bâti la légende de ce drôle de réalisateur presque octogénaire, mais toujours aussi vert et acide. Sa carrière débute en 1971 avec French Connection, un polar aux 5 Oscar, dont un pour Gene Hackman, et se poursuit tambour battant avec l’Exorciste, qui renouvelle le film d’horreur, puis Cruising (la Chasse), où Friedkin nous entraîne vers le dark side pour une enquête au royaume du sado-masochisme gay. Son efficacité fait merveille dans le polar noir, dont Police Fédérale Los Angeles et Jade sont deux expressions. Après Blue Chips, où il observe les sales magouilles de vestiaire du monde du basket-ball, Friedkin rencontre l’écriture de Tracy Letts, une sorte de double en dramaturgie, qui scrute aussi les méchants détours de l’âme humaine. Ensemble, il feront Bug, un cauchemar peuplé d’insectes et d’hommes violents, puis Killer Joe, où un dealer minable monnaie sa jeune sœur au tueur qui doit assassiner sa mère et lui permettre de toucher son fric.
Pour rester dans l’étrange, quelques lignes sur notre autre cycle de la semaine, celui de Quentin Dupieux. Star des platines et de l’électro (sous le nom de Mr. Oizo), il s’est frotté au clip et à la pub, avant de passer à la fiction, avec la bénédiction de Michel Gondry. Il en a tiré un véritable savoir faire, tourne comme un grand faiseur de studio américain, mais n’a rien perdu de sa fantaisie débridée. Avec des histoires aussi atypiques que Rubber, l’histoire d’un pneu tueur, et Steak, une stupéfiante ode à la stupidité, Dupieux fabrique un curieux cinéma d’auteur, d’ailleurs reconnu comme tel par la critique.
Terminons vite en listant les films de nos précédentes semaines qui demeurent à l’affiche : nos deux De Palma sur copie neuve 2K, Blow Out et Pulsions, Moonrise Kingdom, de Wes Anderson, et Stella, Femme libre de Michael Cacoyannis. Et puis, bien sûr, il y a l’Enfance de l’Art, qui nous propose Alamar, une chouette histoire mexicaine entre un père et un fils, signée Pédro Gonzalez-Rubio.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action