Virgil Tibbs est un officier de police noir, du nord des États-Unis. En visite dans une petite ville du sud où la plupart des habitants sont fortement racistes, il se retrouve impliqué dans une enquête sur un meurtre.Dans la chaleur de la nuit – Polar racial
Tourné 3 ans à peine après l’adoption de la loi sur les droits civiques, mettant fin – du moins en théorie – au régime de ségrégation raciale, Dans la chaleur de la nuit prouve formidablement que le cinéma engagé peut s’exprimer à travers un film de genre – en l’occurrence, un polar. Dès les premiers plans, le protagoniste, campé avec élégance et retenue par Sidney Poitier, est l’objet d’un délit de faciès : alors qu’il attend le train pour rentrer chez lui, il est arrêté et traité sans ménagement par un flic obtus et raciste qui le soupçonne de meurtre. Le ton est donné : l’antagonisme entre l’expert en criminologie noir et les policiers de la petite ville, tous blancs, structure la narration et donne la mesure du racisme ordinaire qui caractérisait une grande partie des États-Unis vers la fin des années 60.Pour autant, l’intelligence de Jewison, cinéaste progressiste, consiste à renvoyer dos à dos les préjugés des deux personnages principaux. Car si Gillespie, joué avec gourmandise par Rod Steiger, est d’abord aveuglé par la couleur de la peau de Virgil Tibbs, celui-ci n’est pas exempt d’idées préconçues et affiche même un certain dédain à l’égard des policiers qu’il considère ostensiblement comme des “ploucs”. À cet égard, la confrontation entre la distinction de Tibbs et la rusticité de Gillespie est éloquente, tout comme leur maniement de la langue anglaise. Mais les deux hommes apprennent peu à peu à se connaître et à surmonter leurs préjugés, sans que cette évolution ait jamais rien d’artificiel.Rythmé par la partition jazzy de Quincy Jones et la chanson de Ray Charles, le film nous plonge dans une atmosphère moite suggérée par le titre qui accentue le climat malsain de cette petite ville du Sud. Et pourtant, Dans la chaleur de la nuit a été tourné dans l’Illinois car les acteurs noirs n’étaient pas en sécurité dans le “Deep South”. À croire que les thématiques abordées courageusement par Norman Jewison pouvaient encore heurter les consciences dans l’Amérique de L.B. Johnson. Une audace qu’Hollywood a récompensée en décernant l’Oscar du meilleur film à cet opus qui n’a pas pris une ride.