Film phare.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Même si Willem Dafoe, l’aîné des gardiens de phare, ressemble un peu au Père Noël, The Lighthouse n’est clairement pas à voir avec les enfants. Mais quel voyage ! Dans son format, sa couleur, sa bande son, son sujet, son interprétation, le nouveau film de Robert Eggers nous entraîne bien loin du cinéma formaté avec une radicalité assumée. Accompagné par The VVitch, le précédent film d’Eggers, The Lighthouse est notre grande sortie de la semaine. Autre film phare, Domino, le dernier Brian de Palma, dont Thomas Grignon nous présentera l’unique séance vendredi à 19h. On vous explique pourquoi plus loin.
Chef décorateur de formation, Robert Eggers (36 ans) possède un sens inné pour créer des univers de dingues, aussi angoissants qu’oniriques. Dans The Witch, il filmait l’installation d’une famille dans la Nouvelle-Angleterre du XVIIe siècle. Mais un bouc – figure diabolique – allait perturber le projet de ces pieux pionniers, plongés dans le cauchemar après la disparition mystérieuse de leur bébé. La nature, puissante, généreuse et hostile, magnifiquement filmée, dissimulaient des forces obscures et révélaient la folie des ténèbres. Quatre ans après ce film, Robert Eggers réinterprète ses obsessions en prenant des options radicales de réalisation. Format carré oppressant, noir et blanc expressionnistes, cadres architecturés, hallucinations surréalistes, bande son perturbante, trivialités scatologiques, The Lighthouse est une marche vers la démence. À la fin du XIXe siècle, dans le huis-clos pathogène d’un phare perdu au milieu de l’océan et battu par les flots, deux gardiens – un jeune, en quête ou en fuite, et un vieux, ravagé par l’alcool et la vie – sécurisent la navigation de navires aussi fantomatiques qu’eux-mêmes. Une sirène sculptée et une mouette agressive jouent ici le rôle du bouc maléfique de The Witch. Elles annoncent le drame à venir et la tempête, qui accentue l’isolement, accélère la mécanique que fera exploser les folies. Il est euphémique d’écrire que The Lighthouse ne ressemble à rien de connu au cinéma. Willem Dafoe, gardien jaloux de la lumière, et Robert Pattinson, jeune apprenti malmené, forment un incroyable duo de naufragés sado-masochistes. Leur descente vers les abymes de l’âme humaine hypnotisera la vôtre.
On ne présente plus Brian de Palma, héritier d’Hitchcock pour ses admirateurs, petit maître de la série B pour ses contempteurs. Les uns et les autres reconnaissent toutefois l’importance de ce cinéaste qui, en plus de 50 ans de carrière, a signé quelques films majeurs. Pourtant, comme d’autres grands réalisateurs américains, de Palma peine à trouver des financements (Domino est une coproduction européenne) et à convaincre un distributeur, ce qui le condamne à passer directement en VOD. C’est bien triste. Afin de vous permettre de découvrir ce polar serré comme Brian sait brillamment les faire, le Grand Action vous propose de voir Domino au cinéma, et pas seulement sur le petit écran de votre télé. Et même si on ne présente plus Brian de Palma, Thomas Grignon, critique à Critikat, sera dans la salle pour nous introduire l’unique séance de ce film, où un flic veut venger son partenaire en poursuivant un terroriste… que protège la CIA ! Un sujet sur mesure pour un thriller depalmesque.
Autre film qui n’est jamais sorti en salle dans sa version Director’s cut, Midsommar, d’Ari Aster, garde une séance (samedi à 16h). Nos autres récents succès restent également à l’affiche. Ainsi ne ratez pas The Stunt Man, fantaisie manipulatrice de Richard Rush, Moonrise, mélo hollywoodien de Frank Borzage, Evil Dead 2, horreur décalée de Sam Raini, Ad Astra, voyage interstellaire de James Gray, Un Jour de Pluie à New York, marivaudage manhattanesque de Woody Allen, et Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino, dans la version (35mm ou longue en numérique) de votre choix.
Vous n’allez pas être surpris que l’on conclue par l’Enfance de l’Art. Mercredi 14h30, séance spéciale jeune public avec une sélection de courtes animations tchèques autour de Ferda la Foumi, de Hermina Tyrlova. Dimanche à 14h, nous reverrons avec plaisir la féérie bizarre de L’Étrange Noël de M. Jack, d’Henry Selick. Étrange, certes, mais de saison.
Joyeux Noël !
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.