Fatal
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Cette semaine au Grand Action, les fatales promesses du gaz de schiste de Promised Land, dernier film de Gus Van Sant ; le voyage fatal de Claude Ridder, alias Claude Rich, dans Je t’Aime, Je t’Aime d’Alain Resnais choisi par le Cinéma Club de jeudi ; Marlène, femme forcément fatale de La Maison des Sept Péchés projeté lors du Ciné-Club Positif de mardi, et toute la noire fatalité qui s’abat sur les héros des films de notre nouveau Cycle John Carpenter. Avec quelques succès de nos précédentes semaines qui, fatalement, restent à l’affiche, ça nous fait un fatal programme.
Jeudi à 20h, le Cinéma Club convie une œuvre déroutante de l’un de nos plus intéressants cinéastes. Alain Resnais réalisa Je t’Aime, Je t’Aime en pleine tourmente soixante-huitarde. Ce qui empêcha ce curieux film d’anticipation, où Claude Rich effectue un métaphysique voyage dans le temps, de participer au Festival de Cannes qui avait été annulé. Le public passa du coup à côté du film, et c’est une excellente idée de le programmer jeudi. Merci donc au Cinéma Club, qui fera suivre la projection d’un débat animé par Ophir Levy, enseignant en cinéma à Paris III, puis d’un cocktail. Tarif unique pour cette soirée : 10€.
Mardi soir, le Ciné-Club Positif nous propose de découvrir une autre rareté, La Maison des Sept Péchés, du nom d’un boui-boui d’une île du Pacifique où se produit Bijou, alias Marlène Dietrich, qui y rencontre le marin Dan, alias John Wayne. La réunion de ces deux monstres sacrés devant la caméra de Tay Garnett, un excellent faiseur des studios de la grande époque, provoque moult embrouilles et bagarres, dont une particulièrement spectaculaire. Un film peut-être mineur, mais très plaisant et dont Yann Tobin, rédacteur à la revue, nous donnera quelques clés lors de sa présentation et du débat qui suivront la projection.
« Simple et non simpliste » selon le Nouvel Observateur, « limpide » pour les Cahiers du Cinéma, « tendre tableau de l’Amérique profonde » écrit Libération, « délicat et engagé » ou « habilement mené et engagé », d’après Télérama et le Point, la critique a apprécié Promised Land que nous sommes ravis de vous projeter.Sur un scénario des deux acteurs principaux, Matt Damon et John Krasinski, Gus Van Sant réalise un film tout droit, bien léché et sans effet. Mais, dans le doux flot de sa caméra filmant la cambrousse américaine, il dénonce une catastrophe à venir – celle de la fracturation pour extraire le gaz de schiste – et les méthodes des groupes énergétiques qui veulent la vendre au peuple. Il y a du Capra dans ce film qui, sans être une fable, croit que l’homme peut se placer au dessus de ses intérêts. Et puis il y a des comédiens qui servent leur personnage avec conviction, et une mention particulière pour la formidable Frances McDormand qui, si son personnage n’a pas le choix, n’en pense pas moins. Promised Land n’attend plus que votre venue pour transformer un succès critique en succès public. Largement mérité, et pour la bonne cause.
La bonne cause n’est pas l’affaire de John Carpenter. La sienne, c’est de faire frémir le public et il y parvient à tous les coups. Il y avait longtemps que personne n’avait organisé un cycle John Carpenter, et nous sommes heureux de combler ce manque, exprimé d’ailleurs par certains d’entre vous. Le succès de Halloween (1978) ouvre les portes des studios à Carpenter. Mais s’il dispose dès lors de plus de moyens, il ne perd rien de sa verve diabolique et de son talent pour plonger le spectateur dans une oppressante angoisse. Beaucoup de ses films, dont il compose aussi la musique, sont aujourd’hui devenus cultes. Alors replongez dans le menaçant brouillard de Fog, remontez à bord de Christine, la voiture hantée, prenez vous d’affection pour Starman, le faux homme venu des étoiles, libérez le Prince des Ténèbres de son cylindre de verre, laissez vous entrainer par les enfants maudits du Village des Damnés, explorez l’Antre de la Folie, bien réelle fiction terrifiante inventée par un écrivain, dérivez à bord de l’île de Los Angeles 2013, devenue repère de criminels révolutionnaires, ou partez à la conquête de Mars et à la rencontre des prisonniers-fantômes de Ghosts of Mars. Dans tous les cas, vous en sortirez avec la chair de poule. Ça tombe bien, c’est ce que vous cherchiez en venant voir un Carpenter.
Signalons que Spring Breakers, le trash pop film d’Harmony Korine, Passion, le thriller féminin de De Palma, Django Unchained, le western déchaîné de Tarantino, Khroustaliov, ma voiture ! l’errance soviétique d’Alexeï Guerman, et César doit Mourir, le Shakespeare en prison des Frères Taviani, sont toujours à l’affiche.
Terminons donc par l’Enfance de l’Art et sa séance de dimanche à 14h de Kirikou et les Hommes et les Femmes, succulent dessin animé de Michel Ocelot.
Très bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.