En eaux troubles.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Précieuse et vitale, l’eau est parfois victime de sales types auxquels la cupidité fait perdre tout repère. Voici le sujet de Dark Waters, le dernier film engagé, aussi attendu qu’inattendu de Todd Haynes, où un avocat s’attaque à une multinationale pollueuse. Si ce grand réalisateur de l’intime s’attaque au film de procès, son héros n’est pas le seul à naviguer en eaux troubles cette semaine. Les choix de nos trois ciné-clubs – Usual Suspects, The Doom Generation, et L’Inconnu du Lac – nous plongent aussi dans de sombres turpitudes. Tout comme d’ailleurs Queen & Slim, qui poursuit sa carrière.
Personne n’attendait Todd Haynes sur un thème tel que celui de Dark Waters. Après avoir traité le glam rock londonien des seventies (Velvet Goldmine), réalisé deux faux mélos classiques sur l’homosexualité dans les années 50 (Loin du Paradis et Carol) et un portrait fractalisé de Bob Dylan (I’m not There), voilà donc ce brillant cinéaste engagé dans un film de procès où, telle une Erin Brockovich, un avocat s’attaque à une multinationale chimique qui rejette sans vergogne ses poisons dans l’eau des rivières. Le sujet de Dark Waters fut apporté à Todd Haynes par Mark Ruffalo. L’acteur sut convaincre le réalisateur de le diriger dans le rôle de cet avocat qui fait basculer le cabinet défenseur des industries chimiques où il travaille du côté d’un pauvre David éleveur face au Goliath DuPont. En mettant de l’intime dans ce « courtroom drama », en filmant avec la délicatesse qu’on lui connait les scènes familiales (avec la formidable Anne Hathaway), en donnant une belle humanité au paysan, Haynes renouvelle le genre. S’il signe l’un des futurs grands films de l’année que l’on retrouvera, soyons en sûr, parmi les lauréats des palmarès, il lance aussi une alerte à un moment où les « whistleblowers » qui défendent la planète ont besoin de soutien. Car tout cela est vrai et s’est déroulé à la fin du siècle dernier.
Michel Etcheverry, historien du cinéma et incontournable animateur du Ciné-club des Écoles, sera avec nous jeudi soir pour la projection de Usual Suspects, de Brian Singer. Toujours un plaisir de revoir Kevin Spacey embarquer les policiers qui l’interrogent dans le bourbier de son histoire…
Dimanche à 18h, le Fanzine Cash nous propose, comme à son habitude, une séance de cinéma-bis et underground avec The Doom Generation, de Gregg Araki. Les rédacteurs du fanzine présenteront leur Ciné-club Cash avant de débattre avec le public de l’approche queer assumée du réalisateur. En la boostant par une bande son épatante, il suit ici les amours tordues punks d’un jeune couple déglingué, devenu trouple avec l’arrivée dans leur vie d’un garçon assez pervers.
Une ambiance délétère que l’on retrouve – dans une version plus douce, quoi que – avec L’Inconnu du Lac, d’Alain Guiraudie, choix du Ciné-club Louis Lumière de mardi 20h. Autour d’un joli lac dont une plage est le rendez-vous des homosexuels de la région, grenouille un public attachant et bigarré. Mais un tueur rôde aussi… L’équipe du film sera dans la salle pour le présenter et évoquer le travail du son, avant de retrouver les spectateurs au cocktail à suivre.
La fuite en avant, éperdue, belle et désespérée, des héros de Queen and Slim, de Melina Matsoukas, se poursuit dans nos salles, tout comme le cycle Richard Linklater emmené par l’inénarrable galerie de personnages de Slacker. Tommaso, The Lighthouse et la version 35mm de Once Upon a Time… in Hollywood ont encore chacun une séance ce week-end. Dernières chances d’aller les voir ou revoir.
Pour ne pas bousculer nos habitudes, terminons cette lettre avec l’Enfance de l’art. Les petits adoreront les 3 petits dessins animés de La Chasse à l’Ours, mercredi à 14h30 et, dimanche à 14h, les enfants de tous les âges se régaleront devant les burlesqueries de Buster Keaton relisant Les Lois de l’Hospitalité.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal Hardy et l’équipe du Grand Action.