Éloge du vide.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Le cinéma peut remplir nos rêves tout en se nourrissant du vide ; un concept qui mérite qu’on s’y arrête. Ainsi, Sofia Coppola montre la vacuité de la vie des jeunes filles du Pensionnat Farnworth dans Les Proies, son dernier film, et dans Upstream Color, notre sortie de la semaine, Shane Carruth nous égare dans une curieuse expérience cinématographique où les personnages sont psychologiquement vidés d’eux-mêmes. Deux exclusivités à découvrir donc, et plein d’autres films des précédents programmes qui tiennent encore l’affiche : les Cycles Sofia Coppola et Buster Keaton, ainsi que Wilson Fight Club, Le Privé et les indéboulonnables The Lost City of Z et Certain Women. Le temps fort de la semaine la clôturera mardi 12 avec la reprise du Ciné-club Positif, un grand moment animé par Philippe Rouyer pour présenter Le Samouraï, l’un des chefs d’œuvre de Jean-Pierre Melville filmant un hypnotique Delon.
Tueur froid, mutique et solitaire, Jef Costello, dit Le Samouraï, n’a jamais été condamné. Mais, sévèrement marqué par un commissaire de police pugnace (François Périer) et semblant être au centre d’une machination qui lui échappe, son dernier contrat pourrait bien être… le dernier ! Le Samouraï résume l’immense talent de mise en scène de Melville, tant l’on y retrouve la patte fluide et âpre de ce cinéaste qui filmait comme personne la noirceur baignant la vie des hommes. Philippe Rouyer, passionnant et vibrionnant orateur, viendra nous l’expliquer lors de la présentation de ce Ciné-club Positif de rentrée. Rendez-vous mardi à partir de 19h30, pour un cocktail de bienvenue orchestré par Bruno, de l’Intendance Suivra, avec le Champagne Veuve Cheurlin, les jus bios de Biguine Beauty et les pickles des 3 Chouettes. Vous serez ainsi à température pour revoir Alain Delon, le plus magnétique des grands fauves du cinéma français dans l’un de ses films emblématiques.
Ingénieur et mathématicien de formation, Shane Carruth est devenu homme orchestre de cinéma, écrivant, produisant, réalisant, montant, éclairant et interprétant ses films, dont il compose également la musique. Ce fut le cas pour Primer, petit bijou que nous projetterons le 1er octobre prochain, et aussi pour Upstream Color, réalisé en 2013 et qui ne sort que maintenant en France. Cinéaste radicalement indépendant et libre, dans son ton et ses sujets, Carruth bouleverse les codes, et particulièrement ceux de la science-fiction. Dans Upstream Color, il projette le spectateur dans un futur proche, où une larve aux vertus psychotropes permet de manipuler l’inconscient de l’individu auquel on l’inocule. La narration éclatée de ce film fascinant peut dérouter. Mais on peut aussi la voir comme une vraie expérience cinématographique d’un cinéaste qui ose. Et ils se font rares…
Sofia Coppola en fait partie. Dans Les Proies, elle ose s’attaquer à un remake de Don Siegel en changeant le point de vue de la narration. Ce n’est pas à travers le regard du soldat blessé que l’histoire se bâtit, mais dans les yeux des femmes – directrice, enseignantes et élèves d’un pensionnat de jeunes filles – qui le recueillent. A l’écart et pourtant au cœur de la Guerre de Sécession qui ravage leur Sud, elles vont tromper leur terrible ennui en faisant entrer le désir mâle dans leur gynécée sclérosé. L’ennui au féminin est l’un sujet de prédilection Sofia Coppola et plusieurs de ces films (voire tous) abordent le sujet. Venez le constater en vous faisant son intégrale, soit ses cinq précédents films qui composent le Cycle Sofia Coppola.
Non sans vous inviter à consulter le reste de notre programme, concluons avec l’Enfance de l’Art. Mercredi et dimanche, Tim Burton nous racontera l’histoire de Miss Peregrine et les Enfants Particuliers dont elle s’occupe. Un régal burtonien, avec la toujours formidable Eva Green.
Bonne semaine, qui sera encore meilleure si investissez dans notre nouvelle carte CIP. Tous les détails à notre caisse.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action