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L'Édito

Drame silencieux et burlesques muets.

L'Édito

Drame silencieux et burlesques muets.

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Grands écarts dans notre programmation de la semaine : nos deux films du moment – que peu de choses rapprochent hormis leur qualité – (Zardoz et Two Lovers), sont rejoints par le bondissant Harold Lloyd, et l’émouvante errante Sans Toit Ni Loi d’Agnès Varda, sur laquelle se penchera Elise Domenach lors du Club Positif du mois, mardi à 20h.

En ces temps de grande crise froide, il faut revoir le film poignant qu’Agnès Varda consacra, en 1985, à ces personnes que l’on n’appelait pas encore « SDF». La jeune Sandrine Bonnaire venait de rayonner dans A Nos Amours ; il fallait la vision vardienne pour l’imaginer en vagabonde. Dans la glaçante lumière hivernale du Sud de la France, elle campe Mona (car elle a un nom, ce que beaucoup n’ont plus), héroïne d’une tragédie silencieuse qui meurt comme un animal ; Sans toit, ni loi et sans bruit, ni personne. Il y a quelque chose de clinique dans ce drame de la solitude et nous sommes tous concernés. Observatrice aigüe des mondes de la marge, Agnès Varda donne à voir, avec violence et tendresse « un puzzle bien combiné où, cependant, il manque quelque chose ». Elle glane ses images en posant sa caméra et son regard perçant sur ces errants épris de liberté qui allaient devenir des morts de société. Combien depuis quelques semaines ?

Bon. Heureusement qu’Harold Lloyd et ses nouveaux films vieux de 90 ans nous remontent le moral. Merci Carlotta, distributeur de raretés sur copie neuve, de montrer ces hilarants témoignages d’un pionnier du burlesque américain. Le lunetteux lunaire Lloyd fut l’une des premières vedettes d’Hal Roach, fondateur des Hal Roach Studio et promoteur-producteur de Laurel et Hardy. Afin de détrôner les Keystone Studios de Mack Sennett, Roach, l’outsider, développa son style et ses personnages. L’association avec Lloyd, « Lui », comme on appelait à ses débuts ce timide téméraire, fut un énorme succès. Mais Harold voulut voler de ses propres ailes et – contrairement au célèbre couple créé par Roach – il arrêta sa carrière avec l’avènement du parlant. Il consacra l’essentiel du reste de sa vie à photographier avec talent d’aguichantes pin-up, et mourut vieux et riche. Au cinéma, il lègue des films débordant d’une énergie folle et d’une drôlerie réconfortante, qui méritent d’être redécouverts. Surtout par les temps qui courent.

Comme nous le disions plus haut, Zardoz, une féérie cauchemardesque de John Boorman, et Two Lovers, « une histoire d’amour » de James Gray, restent à l’affiche. La critique et le public, en 1973 pour Zardoz, et en 2008 pour Two Lovers, ont dit mieux que nous tout le bien qu’ils pensaient de ces deux films. Vous n’avez plus qu’à aller les voir, ou les revoir.

Et pour les enfants qui ont raté L’Homme Invisible, un classique du fantastique des années 30 que nous projetâmes cet été, séance de rattrapage avec l’Enfance de l’Art, mercredi à 14h.

Bonne semaine et pensez à offrir des places de cinéma pour Noël.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action