Différent.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Le rôle d’un cinéma indépendant n’est évidemment pas de projeter lesblockbusters, ces gros films issus des studios hollywoodiens. Toutefois,certaines productions d’envergure, lorsqu’elles sont de qualité, ont leur place chez nous. Par exemple, si Martin Scorsese est à la caméra,comme pour Casino, réédité sur copie neuve, ou si Spike Lee, le plus mainstream des réalisateurs marginaux, signe un BlacKkKlansman, nous n’allons pas bouder notre plaisir. Mais, notre cœur de métier -comme disent les marketeurs qui rêvent de régenter un monde mis en équation – demeure un cinéma plus exigeant et, pour tout dire, différent. Indépendant, comme Leave no trace, petite perle que Debra Granik réalise 8 ans après Winter’s Bone, ou carrément expérimental, comme celui que proposent nos amis du Collectif Jeune Cinéma. La vingtième édition de leur Festival des Cinémas différents et expérimentaux de Paris (FCDEP) va prendre son envol au Grand Action. Soirée d’ouverture, naturellement différente mais agrémentée d’un cocktail, mardi 9 à 19h.
En 1998, une bande d’hurluberlus à la cinéphilie pointue, menée par Marcel Mazé, l’un des fondateurs du Collectif Jeune Cinéma, faisait le pari de lancer un événement pour rassembler celles et ceux qui exploraient d’autres voies et aimaient les films différents. 20 ans plus tard, Marcel nous a quittés mais le FCDEP existe toujours et revient sur sa riche histoire. La soirée de mardi débutera à 20h avec la reprise de quelques films, foisonnants, déroutants, passionnants, de la première édition du festival. Après un entracte au Grand Bar, la soirée se poursuivra avec un ciné-concert. Stéphane Rives improvisera sur son saxophone, lors de la projection de Street Film, primé en 1979 au regretté festival du Jeune cinéma de Hyères, qui se tint dans le Var de1965 à 1983, et dont le FCDEP est une sorte d’héritier. Invisible depuis 40 ans et récemment numérisé, Street Film est emblématique du travail de Robert Fulton, connu pour tenir sa caméra en effectuant des mouvements de taï-chi, proposant ainsi une autre vision du monde. Quand on dit différent…
Différent aussi, indépendant surtout, mais touchant avant tout, le cinéma de Debra Granik trace son sillon. Après le très remarqué Winter’s Bone, réalisé en 2010, la réalisatrice a pris le temps de signer un documentaire avant d’enchaîner sur une nouvelle fiction. Voici donc Leave no trace, l’histoire d’un vétéran des guerres américaines qui veut exister à l’écart du monde, et enseigner à sa fille de 15 ans qu’une autre vie est possible, sauvage mais douce, rude mais libre. Inspiré d’une histoire vraie et d’un roman de Peter Rock (L’Abandon, Point Edition), Leave no trace saisit un air du temps, alors que de plus en plus de personnes cherchent à sortir de la spirale, normative, consumériste et mortifère, que nous impose la société. Elle tentera bien de ramener gentiment vers elle les deux exilés de la forêt, mais ils chercheront ailleurs… L’un des films les plus attachants de cette rentrée. Avec BlacKkKlansman, on a l’impression de retrouver un vieux pote de salle obscure. Parfois un peu égaré dans son militantisme radical (parfaitement légitime tant la cause des Afro-Américains doit être défendue), Spike Lee oubliait parfois la joie du cinéma. Il la retrouve avec son flic noir infiltrant le raciste KKK, et nous a donné envie de revoir certains de ses films qui nous avaient tant fait plaisir. Alors consultez le programme du cycle Spike Lee, pour revoir, notamment, Do the Right Thing, ou le plus rare Miracle à Santa Anna. Encore quelques séances pour Casino sur copie neuve, avant quelques bouleversements dans les semaines à venir. Mercredi 10, réédition du Flic de Berverly Hills, alias Eddie Murphy, dans une jubilatoire comédie policière « so 80’s » de Martin Brest, et le 17, sortie de First Man, le nouveau Damien Chazelle. On en reparlera.
En attendant, on conclue avec l’Enfance de l’Art. Mercredi à 14h30, Pat et Mat déménagent pour les tout-petits, et Le Nouveau, de Rudy Rosenberg, arrive au collège dimanche à 14h.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.