Des natures.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Ce sont de belles natures cinématographiques qui forment notre programme de la semaine. D’abord, nous poursuivons notre hommage à Manoel De Oliveira, immense réalisateur centenaire disparu le 2 avril. Ensuite, il y a le cycle Michael Mann, cinéaste puissant et noctambule qui sait s’essayer à tous les genres, et particulièrement le thriller, fut-il techno, comme le prouve son dernier Hacker. Et puis l’événement de la semaine, fomenté par la Mairie du 5ème, célèbre la nature, prenant l’arbre comme une figure symbolique. Pompoko, d’Isao Takahata, sera projeté dans le cadre du festival Ciné-Nature mercredi à 17h.
Isao Takahata, cofondateur du studio Ghibli avec Hayao Miyazaki qui tire à lui la couverture de la notoriété, est surtout connu en France pour son Tombeau des Lucioles. Ses autres films ne sont injustement pas assez montrés sous nos latitudes, et d’ailleurs, Pompoko, réalisé en 1994 et Prix de la Critique au Festival d’Annecy, n’est sorti à Paris qu’en 2005. Nous sommes donc ravis de profiter du Festival Ciné-Nature organisé par notre mairie d’arrondissement pour proposer au jeune public de découvrir Pompoko. Il raconte l’histoire des Tanuki, petits êtres des légendes japonaises, un peu entre l’ourson et le chien. L’agrandissement des villes réduit l’espace vital des mignons Tanuki, qui vont tenter de résister. Une délicieuse fable écologique, avec la patte Ghibli.
Nul n’étant prophète en son pays, Manoel de Oliveira fut longtemps totalement ignoré dans son Portugal natal. En raison, peut-être, d’une cinéphilie embryonnaire chez le Lusitanien moyen, plus probablement parce que le réalisateur fut interdit de diffusion dans son pays sous la longue dictature de Salazar. Il ne connut la gloire nationale qu’en devenant centenaire. Mais qu’importe ! Manoel avait le temps pour lui, et devait s’en douter. D’ailleurs, même s’il débuta sa carrière en 1942 avec le néo-réaliste Aniki Bobo, il attendit près de 20 ans pour faire son deuxième documentaire, L’Acte du Printemps, puis encore une décennie pour passer à la fiction avec Le Passé et le Présent et le bunuelien Benilde, ou la Vierge Mère. En ce début des 70’s, De Oliveira à plus de 60 ans et, alors que d’autres songent à leur retraite, sa carrière à lui démarre vraiment. Les quarante années qui lui restent à vivre vont être les plus prolifiques, et les trois quarts de ses plus de 60 films (tous formats confondus) seront réalisés pendant cette période. En 1981, Francisca le fait connaitre à l’étranger, et lui permet de se lancer dans l’adaptation du Soulier de Satin de Claudel, en trois parties et presque 7 heures ! Notre cycle laisse aussi une large part à ses derniers films, parmi lesquels Le Miroir Magique, adapté d’un roman d’Agustina Bessa-Luis, Belle Toujours, variation autour de Belle de Jour, puis l’étrange énigme de Christophe Colomb, la nostalgique Singularité d’une jeune fille, l’envoutante Étrange Affaire Angelica, et Gébo et l’Ombre, qui restera son ultime œuvre, réalisé à l’âge record de 104 ans. Bravo l’artiste et bon repos.
Hacker, dernier film, en espérant que ce ne soit pas l’ultime de Michael Mann, tient encore l’affiche. Si vous n’avez pas encore vu ce techno thriller crépusculaire, où une bande sino-américaine aussi attachante qu’improbable part sur les traces de redoutables pirates informatiques prêts à tout, courrez-y. C’est musclé comme un James Bond, avec la patte de Mann pour filmer les scènes d’action de nuit. Et pour prolonger ce plaisir mannien (voire maniaque), notre cycle Michael Mann vous propose de voir ou revoir Le Solitaire, Heat, Révélations, Ali, et Public Enemies.
Concluons avec l’Enfance de l’Art, et la magie du duo Demy-Legrand, qui, avec Peau d’Ane, réalisa le plus beau film chanté du premier siècle du cinéma. Allez, oui, d’accord, il y aussi Chantons sous la Pluie, Le Magicien d’Oz, West Side Story et The Rocky Horror Picture Show. Mais quand même…
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action