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L'Édito

Déchainé !

L'Édito

Déchainé !

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Grosse semaine avec d’une part, la sortie de Django Unchained, le western cinglé de Quentin Tarantino, et d’autre part, le Festival Télérama pour rattraper les films que l’on a pas eu le temps de voir en 2012.

Il est des films plus attendus que d’autres. Si un Tarantino ne laisse jamais de glace le petit monde cinéphilique, force est de reconnaître qu’avec Django Unchained, il a su créer un vrai désir. Et nul doute que cette relecture débridée du western spaghetti par l’un des plus étonnants, sympathiques et talentueux réalisateurs américains devrait ravir ses fans, et même en convaincre de nouveaux. L’histoire en deux mots : dans le Sud esclavagiste, le Docteur Schültz, faux dentiste allemand mais vrai chasseur de primes, libère un Noir qui peut l’aider à identifier une cible. Django, l’esclave, se révèle un très efficace assistant (non pas dentaire), et le duo improbable enchaîne les contrats, dans une atmosphère plutôt hostile à voir un Nègre(*) armé. Mais Django a une blessure : sa femme appartient à un riche et cruel propriétaire qui se passionne pour le combat de Mandingues, une lutte à mort entre deux esclaves. « Il est rare pour un Allemand de rencontrer un authentique Siegfried » se justifie Schültz pour aider Django à retrouver sa promise. Et c’est parti pour un long final fight. Après lui avoir apporter une notoriété internationale en lui donnant le rôle du nazi polyglotte, cultivé et sadique d’Inglorious Basterds, Tarantino offre à l’impeccable Christoph Waltz celui du Docteur Schültz. Bonne pioche. Jamie Foxx incarne un très convainquant et séduisant Django, tandis que Leo DiCaprio se glisse avec jubilation et pour la première fois (à notre connaissance) dans la peau d’un vrai méchant, servi par le collabo Steven, allias Samuel L. Jackson, le plus immonde Noir de l’histoire du cinéma américain contemporain. Disons le franco, on a adoré Django, un film droit comme un trait auquel le réalisateur n’a pas ajouté ses artifices dramaturgiques ou formels qui, parfois, peuvent agacer. Comme à son habitude, Tarantino a puisé dans son imposante culture cinéphilique pour nourrir son inspiration : western classique (chevauchées dans la neige), Spaghetti (musiques de Morricone, zooms rapides et gros plans de Leone) ou cinéma de Hong Kong (combats sanglants). Le film lui-même doit son titre à Django, personnage récurrent et protéiforme du western spaghetti, dont l’original, réalisé en 1966 par Sergio Corbucci, est considéré comme un summum de la violence dans le western. Notre Django Unchained est aussi plutôt dur, même si la violence est distanciée. Car l’humour fait aussi partie du programme, donnant ce petit plus sans lequel le cinéma de Tarantino serait sans doute moins séduisant.

Si Django Unchained restera sans doute comme l’un des films marquants de l’année 2013, il en fut aussi de fameux en 2012. L’objectif du Festival Télérama, que soutient et accueille le Grand Action, est justement de voir ou revoir les grands moments cinématographiques de l’année précédente, à raison d’un film par jour. Nous commencerons mercredi avec Moonrise Kingdom, délicieuse fantaisie moderno-vintage millimétrée de Wes Anderson que, si vous nous êtes fidèle, vous avez vue dans nos salles. Idem pour Killer Joe, l’implacable flic-tueur de beaufs américains inventé par William Friedkin. Vendredi, place à De Rouille et d’Os, drame aquatique signé avec son brio habituel par Jacques Audiard, qui laissera sa place samedi à Take Shelter, l’étrange cauchemar apocalyptique de Jeff Nichols. Dimanche norvégien avec Oslo, 31 Août, film plastiquement sidérant et dramatiquement étourdissant de Joachim Trier, suivi lundi d’Amour, l’ode à la passion vieillissante de Michael Haneke, primé à Cannes et récemment aux Golden Globes. Holy Motors, l’expérimentation métaphysique de Leos Carax, qui marquait la renaissance du réalisateur fantasque de Mauvais Sang, conclura cette semaine dédiée à l’année passée. N’oubliez pas de vous munir du “pass“ encarté dans Télérama pour bénéficier du tarif unique de 3€ pour tous les films du festival.

Pas d’Enfance de l’Art cette semaine ? Comment conclure alors ? En leur donnant rendez-vous dimanche prochain et en vous en souhaitant une excellente semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.

(*) Ce terme méprisant est utilisé volontairement. Il est naturellement présent dans le film (dans sa forme américaine « Nigger ») puisqu’il correspond au vocabulaire de l’époque. Spike Lee s’en est offusqué, lançant une polémique un peu ridicule. C’est comme si, dans un film sur la Seconde Guerre Mondiale ou celle d’Algérie, aucun personnage ne pouvait parler de « Youpin » ou de « Bicot ». Le politiquement correct ne doit empêcher ni les artistes, ni les historiens, ni les humoristes, ni quiconque d’ailleurs, de s’exprimer.