Coups de feu et de projecteur.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Côté coups de feu, les flingues de nos canardeurs, Thunderbolt and Lightfoot, alias Eastwood et Bridges, devant la caméra de Cimino ; côté projecteurs, ceux braqués sur nos deux événements de la semaine. Le premier illuminera la carrière de Sean Penn, vedette du dernier ouvrage de la collection Jeux d’Acteurs signé Simon Laisney. L’auteur viendra, jeudi soir, présenter son ouvrage lors du cocktail qui suivra la projection de la Dernière Marche. Mardi, ce sera au tour de Christophe Beaucarne, chef-op de Jean-Marie et Arnaud Larrieu, dont la brillante comédie Un Homme, Un Vrai a été choisie par le Ciné-Club Louis Lumière.
On connaît Sean Penn, ses engagements politiques, sa vie sentimentale agitée, son exigence artistique, ses formidables réalisations et son jeu fiévreux. D’ailleurs sous titré La Fébrilité au Cœur du Jeu, l’ouvrage que lui consacre Simon Laisney pour la collection Jeux d’Acteurs est passionnant. Fils d’un metteur en scène et d’une comédienne, cet enfant de la balle débute tôt dans des rôles de types ingérables et violents. Avec l’âge, il prend des risques et de l’ampleur pour interpréter un débile mental (Sam, je suis Sam), un leader homosexuel (Harvey Milk), un malade cardiaque (21 Grammes) et un condamné à mort dans La Dernière Marche, où il sera accompagné par Susan Sarandon en religieuse, qui y gagna un Oscar. Ce film bouleversant et engagé, adapté du livre de la vraie religieuse est un violent réquisitoire contre la peine capitale. Précisons que Tim Robbins, le réalisateur, tout comme Susan, sa compagne, et Sean Penn (avec qui elle eut une aventure, c’est notre côté potin) se situent politiquement à la gauche de la gauche de l’Amérique. Penn y incarne certes une belle crapule, mais qui gagne peu à peu son humanité. Avant de la quitter pour toujours.
La vocation du Ciné-Club Louis Lumière est de montrer des films et d’inviter leur chef-opérateur à en parler. Ce sera donc Christophe Beaucarne qui animera le débat après la projection de Un Homme un Vrai, des frères Larrieu. Comme les Dardenne ou les Coen – à qui nous consacrerons prochainement une rétrospective pour annoncer leur denier film – Jean-Marie et Arnaud Larrieu travaillent en fratrie. Dans Un Homme, Un vrai, ils filment les bizarres jeux amoureux d’un couple (Mathieu Amalric et Hélène Fillières) sur plusieurs années. C’est drôle, pétillant, juste et beau, à l’image de ces cinéastes qui filment « les corps comme des paysages ». Ce fut sans doute un ravissement pour Christophe Beaucarne de mettre ce vrai homme en lumière ; ce sera probablement un plaisir de l’entendre, comme d’ailleurs d’écouter la bande son que Philippe Katerine a composée pour le film.
Si les Larrieu jouent du romantisme, Cimino fait dans le brutal. Thunderbolt – briscard du casse adepte du canon de 20 mm – et Lightfoot – chien fou vaguement libertaire – sont à la recherche d’un magot. Pour ce Canardeur, son premier film, Michael Cimino, enfant prodigue et maudit d’Hollywood, joue sur les contrastes des personnages pour libérer sa mise en scène. Se moquant des codes, des contraintes et de la bienséance, Le Canardeur est un film au ton particulier et débridé, et qui s’inscrit dans plusieurs lignées : celle du film de casse, du road movie, du Buddy movie (les films de copains), et finalement dans celle du cinéma de la contre culture américaine des années 60 et 70. D’autres représentants de ce courant sont au programme : Cruising, de William Friedkin, Zabriskie Point, d’Antonioni, Easy Rider, de Denis Hooper et The Warriors, de Walter Hill. Et d’autres films, ceux de notre cycle Frères d’Arme, représentent aussi la tendance du films de copains, flingue à la main : Miami Vice de Michael Mann, Point Break, de Kathryn Bigelow, La Troisième Génération, de Fassbinder, La Raison du Plus Faible, de Lucas Belvaux, The Mission, de Johnnie To, Mean Streets, de Scorsese, l’Armée des Ombres, de Melville, Goodbye South, Goodbye, de Hou-Hsiao Hsien, et Réservoir Dogs, de Tarantino.
Vite-vite, encore quelques films (vérifiez bien les horaires) : La Dernière Chasse, de Richard Brooks, THX 1138 de Lucas, nos trois copies numériques 2k (Les Chaussons Rouges, de Michael Powell, les Moissons du Ciel, de Terrence Malick et la Piscine, de Jacques Deray), et Mademoiselle et son Bébé, comédie de l’âge d’or d’Hollywood, signée Garson Kanin et proposée par l’Enfance de l’Art.
Cette programmation pléthorique et éclectique laissera sa place la semaine prochaine à un film que Paul Newman réalisa en 1973 : De l’Influence des Rayons Gamma sur le Comportement des Marguerites. Nous n’aurons pas trop de notre prochain courrier pour décrypter ce beau titre abscons.
Excellente semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action