Coup de tonnerre et rayon vert.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Voici une ressortie qui va faire du bruit. Même si l’on n’est pas fan du titre français – on préfère largement Thunderbolt and Lightfoot – le Canardeur porte bien son nom. Mais il serait dommage de ne voir dans ce film qu’un gangster’s movie, même si son argument est typique du genre et que l’objet emblématique est un canon de 20 mm, arme fétiche du bien nommé Thunderbolt. Ça va donc défourailler sérieusement cette semaine – y compris avec d’autres films de notre cycle Frères d’Arme. Un peu de poésie rohmerienne apportera de la délicatesse dans ce monde de brute. Le Ciné-Club Positif nous propose mardi à 20h d’admirer le Rayon Vert, cinquième et dernier volet du cycle Comédies et Proverbes d’Eric Rohmer. Quête de l’amour, référence poétique (Rimbaud ouvre le film), digression sur le désir, présence de Marie Rivière, ce film de 1986, couronné du Lion d’Or à Venise, résume son auteur, qui demeure le plus jeune des vieux messieurs, malgré son décès en 2010. Noël Herpe, critique à Positif, reviendra sur l’école Rohmer et sa petite musique si particulière, en insistant sur les particularités du Rayon Vert, dont la diffusion en avant première sur Canal+ (de l’époque) n’empêcha pas le succès en salle.
Outre ces vedettes, vous pourrez aussi voir cette semaine les dernières longueurs du Swimmer, de Franck Perry, qui ira nager sous d’autres cieux la semaine prochaine, ainsi que les films qui ont fait la joie des précédentes : THX 1138 de Lucas, le Secret de la Pyramide, de Levinson, nos trois copies numériques 2k (Les Chaussons Rouges, de Michael Powell, les Moissons du Ciel, de Terrence Malick et la Piscine, de Jacques Deray), plus des rescapés d’anciens festivals qu’à la demande générale, nous gardons à l’affiche (les Désaxés de John Huston, Cruising, de William Friedkin, Zabriskie Point, d’Antonioni et Chantons sous la Pluie, de Donen et Kelly).
Thunderbolt (coup de foudre, de tonnerre) est un braqueur chevronné qui fait équipe avec un jeune chien fou, Lightfoot (le pied tendre, traduit par Pied de Biche dans la VF) pour remettre la main sur un magot planqué dans une école… qui a été détruite. A partir de là, c’est parti, avec les flics, les anciens associés et le projet d’un nouveau casse. Sauf que ce film bang-bang fut béni par une concordance de talents qui s’unirent à produire là un petit bijou explosif. A commencer par – à tout seigneur, tout honneur – le grand Clint, producteur et interprète. En ce début des années 70, alors âgé de 40 ans, l’ambitieux Eastwood est en pleine ascension. Leone et l’Inspecteur Harry (entre autres) lui ont apporté le succès, l’argent et une réputation de gros réac, un peu usurpée et oubliée aujourd’hui. Il en a profité pour monter sa société de production (Malpaso), passer à la réalisation, choisir ses projets et ses collaborateurs. Pourtant, Michael Cimino, auteur du scénario du Canardeur, lui fut imposé. Elève surdoué mais ingérable, Cimino avait logiquement débuté dans la publicité avant de venir à l’écriture. Auteur de Magnum Force, le deuxième volet de l’Inspecteur Harry, il souhaitait passer à la réalisation pour son Canardeur. Eastwood accepta, et n’eut pas à le regretter. Personnages bien campés, intrigue au cordeau, mise en scène dynamique et « différente », Thunderbolt and Lightfoot firent un carton. Ils lancèrent la carrière de Cimino, et celle du tout jeune Jeff Bridges, qui fut même nommé pour l’Oscar, ce qui agaça Clint. Rappelons que Bridges était le futur inoubliable « Dude » du Big Lebowski, et bientôt interprète du dernier opus des Coen que nous vous présenterons prochainement. Grâce au distributeur Solaris, nous sommes très heureux de vous permettre de revoir sur copie neuve ce grand ballet de potes et de flingues, que nous complétons avec d’autres films où l’amitié est virile et armée. La vision de ces liens est sombre parce que melvilienne dans l’Armée des Ombres, décalée car tarantinesque dans Réservoir Dogs, nerveuse car scorsesienne dans Mean Streets et clinquante car floridesque dans Miami Vice de Michael Mann.
Le dernier mot pour l’Enfance de l’Art, et Mademoiselle et son Bébé (Bachelor Mother), pétillante comédie romantique américaine réalisée en 1939 par Garson Kanin, avec Ginger Rogers en maman par hasard.
Excellente semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action