Coup de poing.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Cette semaine va cogner avec la ressortie sur copie neuve du film noir de Billy Wilder, Ace in the Hole, avec le terrifiant et pervers Killer Joe, de William Friedkin, cinéaste violent auquel nous consacrons un cycle, et avec Attaque !, de Robert Aldrich, sélectionné pour le Ciné-Club Positif du mardi 16 octobre. Et ce ne sont pas les deux De Palma, Blow Out et Pulsions, qui vont faire baisser la pression.
En Quatrième Vitesse est le film le plus célèbre de Robert Aldrich. D’une certaine manière, il résume assez bien la carrière de cet empêcheur de filmer en rond qui n’eut de cesse de déranger les genres et de briser les codes. Fils de la grande bourgeoisie financière américaine, il renonce à ses études mais intrigue pour intégrer la RKO en 1941. L’entrée en guerre et le départ au front de nombreux techniciens le propulsent assistant-réalisateur, aux côtés de Dassin, Dmytryk, Renoir, Milestone, Ophüls, Losey et même Chaplin. Il poursuit sa formation à la télé et, en 1953, réalise Bronco Apache, le premier western pro-Indien, puis Vera Cruz, où les cowboys sont des crapules. Ces deux films marquent une rupture dans l’histoire du genre et annonce son renouveau des années 70 (Peckinpah, Leone…). Avec une identique virulence novatrice, Aldrich s’attaque au film noir (En Quatrième Vitesse), dont le succès lui permet de monter sa société de production. Il en tire encore plus de liberté et poursuit son œuvre de destruction provocatrice avec Attaque !, qui dynamite le film de guerre. Oubliés les valeureux soldats ; ceux d’Aldrich sont de misérables êtres humains, traumatisés, faibles ou lâches, malmenés dans un cauchemar. Soupçonné d’être un dangereux gauchiste, Aldrich est blacklisté à Hollywood et doit s’exiler en Europe. Il y tourne quelques films mineurs, avant de revenir en Amérique, où il retrouvera sa hargne, notamment dans les Douze Salopards. Bref. Revenons en à Attaque, l’histoire d’un capitaine d’une effroyable lâcheté qui envoie ses hommes à la mort sans sourciller mais qui est protégé par ses supérieurs. Ce film radicalement antimilitariste montre l’absurdité de la guerre et l’ineptie des gradés. Sans avoir la force des Sentiers de la Gloire de Kubrick, Attaque ! est l’une des plus puissantes charges cinématographiques contre l’armée, réalisée avec la « speed Aldrich’s touch » et interprétée par Jack Palance et Lee Marvin. Comptons mardi soir sur la culture de Fabien Baumann, rédacteur chez Positif, pour décrypter ce film lors du débat qui suivra la projection.
Notre salle panoramique est transformée en Gouffre aux Chimères (Ace in the Hole) par Billy Wilder. Virulente critique sur le pouvoir des médias, la corruption des hommes et la bassesse du public, ce film de 1951 raconte l’histoire d’un reporter brillant, mais tellement dénué de scrupules qu’il en est renié par ses pairs. Il va exploiter la chute d’un pauvre bougre dans une grotte pour relancer sa carrière, n’hésitant pas à créer l’événement en risquant la vie de son sujet. Kirk Douglas est parfait ; sûr de lui, provocateur, cynique et jouissant jusqu’à l’orgasme de sa puissance retrouvée. Mené tambour battant par un Wilder en grande forme qui, à coup de personnages parfaitement campés, de dialogues toujours justes, de cadres et de mouvements d’une limpide évidence, Ace in the Hole est un film à (re)découvrir. D’autant que sa sortie sur copie neuve est due à l’initiative d’un jeune distributeur qu’il faut soutenir, et surtout que le propos du film est, 50 ans plus tard, d’une cruelle véracité. Le cirque médiatique a vraiment pris le pouvoir sur l’actualité.
Chez William Friedkin, c’est Killer Joe qui prend le pouvoir sur une famille de minables qui l’a embauché pour assassiner la maman. Nous sommes chez de gros ploucs texans, totalement décérébrés et démoralisés, dans tous les sens du terme. Le diabolique Killer Joe va changer la donne et mettre, grâce à une méthode bien à lui, tout le monde sur le chemin de la rédemption. On retrouve dans le dernier film de Friedkin son attrait pour le côté noir des hommes, son cynisme, sa cruauté et aussi son humour. Une grande partie de l’œuvre de ce drôle de vieux bonhomme est à redécouvrir en 6 films qui composent le cycle que nous lui consacrons. Ses succès, comme l’Exorciste, ses scandales, comme Cruising, et certains de ses polars et films noirs : Police Fédérale Los Angeles, Jade, Blue Chips ou Bug.
Pour finir, signalons encore nos deux De Palma, Blow Out et Pulsions, une séance enfant avec Sindbad, de Karel Zeman, un digne héritier de l’école d’animation Tchèque, et la séance de l’Enfance de l’Art : ce sera Chang, un formidable documentaire sur le Siam (devenu la Thaïlande) en 1927, œuvre du duo Cooper-Schoedsack, les futurs inventeurs de King Kong.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action