Cogneurs novateurs.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Une semaine testostéronée et culte s’annonce avec trois films qui ont marqué leur époque et inventé un genre. D’abord, le fameux Massacre à la Tronçonneuse, cauchemar absolu de Tobe Hooper devenu modèle du slasher (on vous explique le terme plus loin), puis Le Bon, la Brute et le Truand, œuvre emblématique du western spaghetti signée Sergio Leone et exceptionnellement restaurée, et On l’Appelle Trinita, d’Enzo Barboni, qui crée, avec le duo Terence Hill – Bud Spencer, le sous-genre du western burlesque, dit aussi « fayot ». Certaines séances de ces deux films de cowboys seront introduites par de prestigieux invités, et un troisième événement ponctuera la semaine. Jeudi à 19h, Yves Jeuland viendra nous présenter Il est Minuit, Paris s’éveille à l’occasion de la sortie du coffret DVD. Couronné par le Syndicat de la Critique du Prix du Meilleur Documentaire de Télévision, le film d’Yves Jeuland est une promenade dans les cabarets parisiens de l’après-guerre, d’où émergèrent les grands talents de la chanson française : Brassens, Ferré, Barbara, Mouloudji…
Le terme slasher vient de l’anglais to slash, soit taillader. Au cinéma, il désigne un sous-genre du film d’horreur, où un tueur psychopathe, souvent masqué, découpe joyeusement ses victimes, plutôt des jeunes femmes, à l’arme blanche. Psychose, par exemple, est un slasher. Dans Massacre à la Tronçonneuse, l’arme en question n’est pas tout à fait blanche puisque mécanique, mais elle taillade sévèrement. Au-delà de l’effroi que peut légitiment inspirer la bombe que Tobe Hopper réalisa en 1974, on peut aussi y voir une expression de la contre-culture américaine dont il est issu. 1974, c’était le scandale du Watergate ; une époque où les Américains commençaient à se dire qu’on leur mentaient, sur le Vietnam et le reste, et où les utopies des 60’s tiraient leur révérences. C’est aussi de cela dont parle ce film, qui provoqua un rejet unanime lors de sa sortie et circula sous le manteau, notamment grâce à la vidéo. Diffusé dans la collection « des films que vous ne verrez jamais à la télé » par René Chateau, la VHS contribua largement à conférer au Texas Chainsaw Massacre le statut d’œuvre culte. On peut désormais le voir au cinéma, dans une version restaurée, qui retrouve le grain du 16 mm d’origine et rend encore plus stridents les cris de l’infortunée héroïne comme les hurlements de la tronçonneuse.
Dans le genre restauration, celle du Bon, la Brute et le Truand, effectuée par les orfèvres de la Cinémathèque de Bologne, se pose là. Avec quelques secondes de plus et une image absolument époustouflante, elle redonne au mythe une dimension… mythique ! En ces années 60, le western américain était un genre vieillissant, un peu comme John Wayne. Le renouveau vint d’Italie, notamment grâce à Sergio Leone. Avec ses cadres très serrés, ses perspectives exagérées, ses musiques entêtantes, sa façon unique de diluer le temps, ses anti-héros crasseux au cynisme violent, il créa une nouvelle manière de filmer l’ouest. On ne se lasse pas de retrouver Tuco et ses “amis“, et, avec cette copie neuve, mieux encore qu’à l’origine. Ce que le critique Noël Simsolo nous confirmera lors de sa présentation de samedi à 20h30.
Enzo Barboni n’a certes pas l’importance de Leone. Pourtant, cet autre réalisateur italien a aussi contribué à dépoussiérer le western. D’ailleurs, Jean-François Giré, réalisateur, monteur, mais aussi auteur de Il était une Fois… Le Western Italien, viendra nous le confirmer vendredi soir à la séance de 18h. Avec ses deux héros, également italiens, (Hill se nomme Mario Girotti et Spencer Carlo Pedersoli), Barboni signa On l’Appelle Trinita, manifeste (le mot est peut-être exagéré) du western fayot, en référence à la subtilité des gags, à base de baffes, de pets et d’hyperboles. Le grand ouest inventé par John Ford devient un théâtre burlesque, où des hurluberlus se castagnent en dépit de toute bienséance. On peut se demander ce qu’un tel film fait dans notre programme. C’est tout simple : il fait partie de l’histoire du cinéma, comme des milliers d’autres, et aussi des références de Tarantino pour son Django. Et puis, soyons honnêtes, les tribulations de Terence et Bud, un authentique duo comique, sont souvent assez drôles.
Terminons cette lettre pour une fois compacte avec l’Enfance de l’Art qui convoque la magie en papiers découpés des Princes et Princesses, de Michel Ocelot.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action