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L'Édito

Ce qui est caché

L'Édito

Ce qui est caché

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Certaines choses cachées au regard transcendent ce qui est visible. Il en est ainsi du petit fil qu’un grand couturier dissimule dans les doublures de ses somptueuses créations. Ce Phantom Thread, comme un message enfoui, donne leur âme à ses robes. Mais il est bien d’autres secrets, d’autres non-dits, d’autres subliminales sublimations dans le dernier film de Paul Thomas Anderson qui sort ce mercredi, littéralement porté par Daniel Day-Lewis. Très attendu, le nouveau PTA partage la vedette avec pas moins de cinq événements ! Par ordre d’apparition à l’écran : mercredi un Ciné-club Présences Extraterrestres, jeudi, un Ciné-club des Ecoles, vendredi et dimanche, La Dame de Pique projetée en présence de son réalisateur Pavel Lounguine, et mardi, un Ciné-Club Positif. Avec la poursuite des Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin, fantaisie de John Carpenter, 3 Billboards, le drôle de drame de Martin McDonagh, l’indéboulonnable Certain Women, bientôt à l’affiche depuis un an, et un cycle PTA, quelle semaine !

Avant d’évoquer le détail de ce réjouissant programme, nous aimerions vous inviter à soutenir l’une de nos salles amies, menacée de fermeture. La Clef, lieu culturel indépendant et historique du cinquième arrondissement, est menacée de vivre sa dernière séance le 31 mars prochain. Mais nous pouvons encore agir, en signant la pétition en ligne. Merci pour eux, et pour nous tous : https://secure.avaaz.org/Sauvons_le_Cinema_La_Clef_a_Paris)

Reprenons, et commençons par les événements avec, mercredi à 20h, un Ciné-club Présences Extraterrestres. La projection de Pacific Rim, où Guillermo Del Toro imagine l’attaque de monstres cachés au fond des mers et la lutte télépathique que l’humanité va devoir mener pour survivre, sera suivie d’un débat avec l’astrophysicien Roland Lehoucq et le paléontologue Jean-Sébastien Steyer.

Le lendemain à 20h30, le Ciné-club des Ecoles nous invite à découvrir un film fondateur du cinéma perse, un peu oublié mais qui obtint le Prix du Jury à la Mostra de Venise en 1969. La Vache, de Dariush Mehrjui, est une plongée dans le monde iranien d’avant les Mollahs, dont nous parlera le critique Bamchade Pourvali avant de nous accompagner au Grand Bar.

De passage à Paris, Pavel Lounguine nous honore de sa visite et viendra, vendredi et dimanche soir, présenter sa Dame de Pique, du nom de l’opéra de Tchaïkovski dans laquelle l’héroïne de son film, chanteuse lyrique vieillissante, brilla jadis.

Le Ciné-Club Positif de mardi à 20h clôturera la semaine avec un tout autre type de cinéma, hommage à Jerry Lewis, génial clown décédé l’été dernier. Alice Laguarda, rédactrice à la revue Positif, animera la séance du Tombeur de ces Dames. Nous nous retrouverons dès 19h30 au Grand Bar autour d’une coupe de champagne Veuve Cheurlin ou d’un verre de jus de grenade Biguine Beauty et des pickles Les Trois Chouettes mis en musique par Bruno de l’Intendance Suivra.

Phantom Thread est un film sur le fil. D’abord le fil que Reynold Woodcock dissimule, comme un porte-bonheur caché, dans les robes sublimes qu’il crée dans sa luxueuse maison de couture du Londres des années 50. Le fil aussi, incassable, qui l’unie à sa « old so and so« , sa sœur Cyril, à la fois conscience, âme damnée, alter ego, souffre-douleur, garde du corps et du cœur. Et puis il y a surtout le fil qu’il va tisser avec Alma, fraîche jeune femme venue de nulle part, fortuitement rencontrée dans un pub. Ce fil d’amour, ténu aussi que puissant, les deux amants vont le tordre dans le secret de leur intimité, de leur passion et de leur folie. La vie est une recherche qu’ils ne veulent pas réduire au quotidien, cherchant par des expériences mortifères et métaphysiques à le dépasser. Comme le fil caché des robes, Phantom Thread est un film qui ne se dit pas. Une œuvre d’une grande beauté (Anderson, en bon maniaque, s’occupe lui-même de la photographie), d’une grande finesse, et d’une élégance incarnée par Daniel Day-Lewis qui, même au plus mal, incarne le chic absolu. Les deux actrices, Lesley Manville (ex-femme de Gary Oldman, ami de DDL), et Vicky Krieps, fausse débutante luxembourgeoise qui tourne depuis 10 ans et qu’on n’a pas fini de voir tant ce film la révèle, sont au diapason de leur mentor, comme ses deux béquilles antagonistes et complémentaires. 10 ans après There will be blood, Paul Thomas Anderson, surdoué du cinéma qui, malgré sa naissance californienne, trouve ici la quintessence de l’âme britannique, retrouve Daniel Day-Lewis qui pourrait bien décrocher le quatrième Oscar de sa carrière. A laquelle il envisage de mettre fin, mais c’est à voir. Tout comme est à voir ce Phantom Thread, ainsi que le rattrapage que propose notre cycle PTA.

On termine très vite cette longue lettre avec l’Enfance de l’Art. Mercredi, sélection de courts-métrages d’animation pour les petits A la découverte du Monde, et l’indispensable Kid de Chaplin, dimanche, précédé de Mr Hublot.

Bonne semaine. 

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du GrandAction