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L'Édito

Black power

L'Édito

Black power

Chères spectatrices, chers spectateurs,

espérons que les vôtres furent agréables, la rentrée part en flèche avec la sortie de BlacKkKlansman. Dans son dernier « joint« , Spike Lee raconte l’histoire incroyable et réelle d’un flic noir qui infiltra le Ku Klux Klan, repère de l’Amérique blanche la plus terriblement raciste. Couronnée du Grand Prix du Jury à Cannes et saluée par la critique, cette comédie noire marque le retour sur le devant de la scène d’un cinéaste passionnant et engagé qui retrouve (enfin) sa verve. Un Cycle Spike Lee accompagne cette exclusivité, avec en vedette la copie restaurée de Do the Right Thing.

Nous sommes en 1978, à Colorado Spring, seconde ville du Colorado après Denver, capitale de cet État du Middle West, plutôt blanc et traditionnel. L’arrivée d’un policier noir au commissariat de la ville n’y passe donc pas inaperçue, surtout quand le gars se met en tête d’infiltrer l’antenne locale du sinistre Ku Klux Klan ! Fondé en 1865 après la défaite des états esclavagistes lors de la Guerre de Sécession, le KKK voulait maintenir la suprématie de « race blanche », notamment par le meurtre et la terreur. Interdite en 1877, l’organisation renait de façon officielle entre les deux guerres et, bien que soutenue par certains élus, poursuit ses exactions, intimidations et lynchages, ce qui conduit à une nouvelle dissolution en 1944. Mais la bête immonde reprend vigueur alors que la ségrégation est encore active dans le Sud. Au mitan des années 70, le KKK comptait près de 10 000 « chevaliers blancs », néonazis, suprématistes, xénophobes, antisémites, racistes et rascals, tous prêts à défendre leur « race » pale vêtus d’une ridicule toge druidique et chapeautés d’une cagoule. Blanches évidemment. Voici donc la joyeuse troupe que l’inspecteur Ron Stallworth veut infiltrer. Mais, s’il parvient à tromper le gros con en chef du KKK au téléphone, la couleur de sa peau et sa boule de cheveux afro présentent de sérieux handicaps pour envisager une rencontre. Il s’adjoint donc la complicité d’un flic aussi blanc que juif pour jouer son rôle de visu. Ce duo de flics marginaux au sein d’une institution policière presque aussi raciste que le groupuscule qu’elle combat va faire des étincelles… En s’inspirant d’une histoire vraie pour BlacKkKlansman, Spike Lee réussit à creuser le sillon de ses engagements militants (parfois violents et radicaux), tout en retrouvant par la comédie la tonalité qui nous avait réjouit dans ses films des années 80-90 et qu’il avait un peu oubliée. Le couple schizophrénique John D. Washington – Adam Driver fonctionne merveilleusement et Topher Grace est épatant en méchant « Grand Wizard« . Lee parvient aussi à glisser une jolie love affair dans son film (Laura Harrier) et le conclue avec quelques images des récentes émeutes racistes de Charlottesville. Preuve qu’il n’a pas renoncé à faire passer son message sur le légitime – et actuel – combat des Afro-Américains.

Do the Right Thing, film de 1989 réédité sur copie neuve, l’atteste également, ainsi que certains passages des trois du Cycle que nous lui consacrons (Oldboy, She Hate me et la 25e Heure). La semaine prochaine, il sera complété par Miracle à Santa Anna, réalisé en 2008 mais, pour d’obscures raisons, demeuré inédit en France. Il sera donc projeté mercredi 29 pour la première fois à Paris sur grand écran, au Grand Action, et sur copie neuve. Miam !

Si le black power de Spike Lee domine allègrement le programme, d’autres films de notre été poursuivent leur carrière. A commencer par les rééditions estivales : The Party, énorme comédie de Blake Edwards avec Peter Sellers en indien saboteur d’une fête hollywoodienne, Hair, drame musical hippie et antimilitariste de Milos Forman et Voyage au bout de l’enfer, terrible portrait de l’Amérique profonde bouleversée par la Guerre du Viet Nam signé Michael Cimino. Sur nos écrans, on peut aussi encore voir l’Affaire Thomas Crown, Phantom Thread, ainsi que trois films issus de l’Expérience Diagonale : Simone Barbès, Les Belles Manières et Beau temps mais orageux en fin de journée.

Celle qui ne part jamais en vacances, c’est l’Enfance de l’Art, qui occupe traditionnellement notre dernier paragraphe. Cette semaine, nos chères têtes de toutes les couleurs auront droit (mercredi à 10h30) à Mary et la fleur de la Sorcière, magique dessin animé nippon de Hiromasa Yonebayashi,  et, dimanche à 14h, se régaleront devant les burlesqueries de Buster Keaton dans College.

Excellente rentrée à celles et ceux qui le sont, et bonnes fins de vacances aux autres.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.