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L'Édito

Ball année avec Eephus.

L'Édito

Ball année avec Eephus.

Chères spectatrices, chers spectateurs, 

L’année au Grand Action commence comme avait fini la précédente : par une exclusivité. Après le Nosferatu de Robert Eggers, voici donc Eephus, où Carson Lund filme avec tendresse et langueur la dernière partie de baseball d’une bande de potes sur leur terrain qui va être détruit. Un karaoké samedi animé par Alexis Langlois à l’issue de la séance de 19h de sa comédie queer Les Reines du drame, et toutes nos récentes sorties qui gardent l’écran : Oh, Canada, film testamentaire de Paul Schrader adapté du roman de son ami Russel Banks, Noël à Miller’s point, film choral et familial de Tyler Taormina (accompagné d’un cycle), et Daddio le psy-taxi de Christy Hall où Dakota Johnson se confie à Sean Penn.

Une Eephus est, au baseball, une balle un peu flottante que le lanceur envoie au batteur adverse, en espérant qu’il soit suffisamment perturbé par l’effet pour rater sa frappe. On parle alors de strike, et au bout de 3, le batteur est éliminé. S’il parvient à taper la balle, il devient coureur et doit faire un tour complet du terrain avant le retour de la balle à sa base. On s’arrête là pour les règles complexes du baseball, lointainement inspirées de celles du cricket anglais, également incompréhensibles pour les néophytes. Aux USA, c’est le sport le plus populaire (avec le football américain), dont les matches passionnent les foules à l’image du jeu qu’on appelle là-bas le soccer, et qui y est encore un peu méprisé. Le titre du film de Carson Lund, Eephus, correspond assez bien au qualificatif de la balle éponyme par sa tonalité flottante, indécise, incertaine, mais tellement singulière. Depuis sans doute leur enfance, sur un terrain miteux, deux équipes locales d’un conté de Nouvelle-Angleterre se retrouvent plus qu’elles s’affrontent dans un match de baseball. On met les formes (avec un arbitre, appelé umpire), un expert, et la nécessaire petite dose de mesquinerie astucieuse et provocatrice propre à la rencontre sportive. Mais le monde est finissant, et une école remplacera bientôt le vieux stade des potes, qui disputent leur dernier match… Ils le termineront à la lumière des phares de leur voiture. Il ne se passe pas grand-chose dans Eephus, mais tous ces petits riens sont constitutifs de la vie d’un groupe, presque d’une communauté, et sont fidèles au rythme du jeu et à ses nombreuses phases statiques. Tout le monde goûtera à la magnifique lumière du film (de Greg Tango) et à ce petit ton distancié d’un certain cinéma indépendant américain qui inclut Tyler Taormina, d’ailleurs co-producteur du film (rappel : son Noël à Miller’s point et son cycle sont toujours à l’affiche). 

Dans un genre beaucoup plus gothique, les amateurs d’horreur stylisée adoreront le Nosferatu de Robert Eggers. Hommage expressionniste à celui celle plus que centenaire de Murnau, la version 2024 ne manque pas de frissons. La victime de ce Dracula (puisqu’il s’agit d’une adaptation du best-seller de Bram Stocker) est la belle Lily-Rose Depp, tandis que Bill Skarsgård endosse le rôle de la bête. Willem Dafoe, emblématique acteur de Eggers, est aussi à l’affiche de cette spectaculaire lecture du mythe vampiresque, auquel le réalisateur apporte sa patte noire et naturaliste, qu’il pimente d’éclairage à la bougie. 

Il y a du Paul Schrader et du Russel Banks, ainsi que du Richard Gere, dans le personnage de Leonard Fife, réalisateur mourant qui se confit, sous les yeux de sa femme, à la caméra d’un de ses anciens étudiants. On se perd un peu entre les époques (Jacob Elordi joue Fife jeune) et les formats, tout comme l’homme qui va vers sa fin s’égare dans ses souvenirs, ses mensonges et ses lâchetés. Oh, Canada, le puzzle incomplet, éclaté et touchant d’une vie. 

Plein d’autres choses (voir plus bas, et citons Malcom X, Anora et le cycle Sean Baker), et deux séances l’Enfance de l’Art, avec des horaires de vacances. Donc,jeudi à 10h30, ce sera Le Criquet, de Zdeněk Miler et, dimanche à 14h, Paddington 2, de Paul King.  

On vous souhaite de bien commencer 2025. 

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action