Altman, casseur de genre.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Avec la ressortie sur copie neuve du Privé et un Cycle pour l’accompagner, Robert Altman est la vedette de cette semaine au Grand Action. Mais ce pourfendeur des grands genres hollywoodiens qui n’aime rien tant qu’en briser les codes, doit partager l’affiche avec deux événements et quatre films.
Nous retrouverons d’abord, dès mercredi soir, nos amis d’Harvard in Paris pour leur dernière séance de la saison autour des 400 Coups. François Truffaut, à sa manière « Nouvelle Vague », fut aussi un révolutionnaire du cinéma. Après la projection, nous aurons l’occasion de parler, avec les pédagogues François Taddei et Ange Ansour, de l’éducation d’Antoine Doinel, l’ado rebelle habité par le formidable Jean-Pierre Léaud. Il faisait alors ses premiers pas à l’écran et allait bientôt grandir au point de nous devenir incroyablement familier.
L’autre événement de la semaine aura lieu vendredi, avec l’adaptation de Madame Bovary de Claude Chabrol, un ami de Truffaut que nous venons de célébrer par un Cycle. Isabelle Huppert incarne à merveille l’insatisfaite héroïne flaubertienne, et la critique Murielle Joudet nous le confirmera lors de sa présentation.
Né en 1925 et mort en 2006, Robert Altman descend d’une famille de pèlerins du Mayflower. S’il appartient par cette filiation à la légende américaine, il n’eut de cesse de casser les mythes du cinéma national. D’abord brièvement acteur puis réalisateur de télévision, notamment pour la série Alfred Hitchcock Presents, Altman obtient son premier succès (Palme d’Or, Oscar et 2 Golden Globes) pour M.A.S.H., où il dénonce la Guerre du Vietnam en racontant un épisode de celle de Corée. Mais le réalisateur dynamite surtout le genre « film de guerre » en réalisant une comédie iconoclaste et contestataire. Rebelote avec John McCabe, un western poétique et contemplatif totalement en rupture avec le « johnfordisme ». En faisant du détective Marlowe, héros de Raymond Chandler, jadis incarné par Mitchum et Bogart, un « born loser« , il retrouve Elliott Gould, le Capitaine McIntyre de M.A.S.H. Il poursuit ainsi sa grande œuvre de démythification des genres américains en s’attaquant au film noir. Dans Le Privé, adaptation seventies et totalement décalée de The Long Good Bye, Marlowe, obsédé par la quête de la bonne croquette pour son chat, est en rupture totale avec son époque. Affublé d’une cravate nationaliste, roulant en Lincoln de 1948, fumant comme un pompier et traitant de dingues ses cools voisines, il vit aux antipodes du peace and love, du flower-power, des campagnes anti-tabac et de la libération sexuelle qui fleurissaient à l’époque. Ce Marlowe extraterrestre peinera d’ailleurs à trouver son public en 1973, lors de la première sortie du film. Une seconde, six mois plus tard, sera plus positive mais Le Privé sera loin d’être un succès. Il faudra quelques années pour qu’enfin soient compris et appréciés la désinvolture de Gould et le point de vue d’Altman. 44 ans plus tard, c’est un ravissement de redécouvrir l’improbable enquête de ce détective incongru ; d’autant que la restauration du film redonne sa splendeur à la lumière maitrisée par Vilmos Zsigmond, dont nous avons pas mal parlé ces derniers temps. Outre M.A.S.H. et John McCabe, le Cycle Robert Altman propose aussi Un Mariage, formidable et amer portrait de la bourgeoisie convolante, ainsi que Prêt-à-porter, Kansas City et Company.
Par ailleurs, quatre de nos films anciens conservent quelques séances. The Warriors d’abord, film de baston vintage de Walter Hill, devenu culte depuis 1979, Et au milieu coule une rivière, ode naturaliste de Robert Redford, Certain Women, sensibles portraits féministes de Kelly Reichardt et The Lost City of Z, saga britannico-amazonienne de James Gray.
Et que serait une semaine sans Enfance de l’art ? Elle nous convie à la rencontre de La Jeune fille sans main, très joli film d’animation de Sébastien Laudenbach.
Enfin, précisons que celles et ceux qui n’ont pu venir vendredi soir à la soirée Shutter Island organisée pour le lancement de Somnophrénie, haletant premier roman d’Anthony Nabli, peuvent se rattraper en faisant l’acquisition, à notre caisse, de ce thriller d’un jeune auteur prometteur.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du GrandAction