Algérie japonaise !
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Ce titre n’est nullement un message aux nostalgiques de la colonisation, mais une boutade qui résume deux temps forts de la semaine. Le premier s’inscrit dans le souvenir des 60 ans de l’indépendance de l’Algérie avec, d’abord, Les Oliviers de la justice, étonnant témoignage fictionnalisé de James Blue. Mais nous recevrons aussi Zak Kedzi samedi à 14h30, afin qu’il nous présente son passionnant documentaire Chroniques algériennes, tourné pendant les manifestations du Hirak en 2019. Le versant japonais du titre annonce lui un nouveau Cycle Takashi Miike, cinéaste aussi controversé que fascinant, dont nous ressortirons mi-avril un film parmi les trois qui composent le programme « J-Horror ». Plus calme que les précédents, le programme de la semaine vous laissera le loisir de voir les quatre films réédités du cycle Jacques Doillon, jeune cinéaste, ainsi que tous ceux qui brillent dans nos salles depuis quelque temps. On les liste en fin de lettre, et partons pour Alger.
En février 2019, lasse d’un pouvoir autocratique et vieillissant (c’est presque un euphémisme quand on voyait alors Bouteflika), la jeunesse algérienne se révolte. Touché par la vivacité de ce mouvement qui crie « silm wa salam » (paix), Zak Kedzi plonge avec sa caméra et son équipe au cœur du Hirak. Si, à l’été 2019, alors que l’Algérie accède à la finale du Championnat d’Afrique des Nations (et la gagne !), l’ambiance est festive, elle se tend lors du second voyage hivernal de Zak. Les jeunes filles (elles jouent toujours un rôle déterminant dans les combats algériens) et les jeunes gens sont portés par un enthousiasme réjouissant… et un terrible fatalisme. « La vie en Algérie est plus difficile que l’exil » dit l’un d’eux. Souhaitons-leur d’accéder à la « silm wa salam » et venons rencontrer Zak Kedzi samedi à 14h30, avant la projection de ce beau premier film sincère, où la musique entêtante du Chaâbi adoucit la dureté du réel.
Adapté d’un roman de Jean Pélégri (qui joue le rôle du père malade), Les Oliviers de la Justice propose un autre regard sur l’Algérie, quand elle était française et aux mains des « Pieds-noirs ». Mi-fiction, mi-documentaire, la réalisation de James Blue apporte un passionnant éclairage sur ce monde finissant, et l’espoir, mainte fois déçu, que s’en ouvre un meilleur.
Point d’espoir chez Takashi Miike. Très prolifique (près de 150 films et téléfilms et pas moins de 7 en 1999, dont Audition que nous ressortirons en avril), ce réalisateur japonais violent et provocateur jouit d’une certaine aura, méritée par la vivacité de sa caméra… Mais déclenche aussi pas mal de controverses par sa radicalité ! Parmi sa pléthorique filmographie, beaucoup de films de genre – qui parfois se mêlent -, certains assez poétiques et d’autres d’une horreur assumée. Le cycle Takashi Miike donne un aperçu de ses réalisations avec, en vedette, la trilogie Dead or Alive ; le 1, le 2 et le 3 seront, comme la plupart de notre sélection, projetés en 35mm. On verra d’autres histoires de Yakuza, les gangsters japonais très présents dans le cinéma de Miike, comme Gozu ou First Love le dernier Yakuza, ainsi qu’un film d’époque (Hara-Kiri : mort d’un Samouraï), un d’horreur (La Mort en Ligne) et un western déjanté produit par Tarantino (Sukiyaki Western Django).
« La bonne distance est autant affaire de regard que de voix. (…) Il y a chez Doillon une tentation du scabreux, qu’il ne franchit toutefois pas (…) le cœur de son cinéma (joue) avec le malaise, (fraye) dans les zones troubles » écrivait Nathalie Dray dans Libération pour annoncer le cycle Jacques Doillon, jeune cinéaste que nous vous proposons. Voici donc quatre films de jeunesse, mais surtout des films d’enfants, que le cinéaste dirige magnifiquement. On reverra donc avec grand plaisir Les Doigts dans la tête, La Femme qui pleure, La Vie de Famille et La Drôlesse, un bijou de délicatesse dérangeante.
Quoi d’autre au Grand Action ? une flopée de bons films. Les Cinq Nouvelles du Cerveau, révélées par Bron, Belfast, qui a valu à Branagh l’Oscar du meilleur scénario original, The Souvenir Part I et II, le diptyque mémoriel et cinématographique de Hogg, Licorice Pizza, le L.A des 70’s fantasmé par Anderson, Michael Cimino, un Mirage Américain aperçu par Thoret, The Card Counter, la rédemption obsessionnelle de Schrader et First Cow, le western mélancolique de Reichardt.
Pour finir, L’Enfance de l’Art, bien sûr ! On passe les mêmes que la semaine dernière ; ils sont trop bien ! D’autant que Le Roi et l’Oiseau (mercredi 14h30) et Le Cirque (dimanche 14h) doivent être vus. Grimault et Chaplin sont au programme de la formation cinéphilique.
Belle semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action