A la Une.

Chères spectatrices, chers spectateurs,
Si nous reprenons cette expression journalistique, c’est que les films « à la Une » de cette semaine parlent de média. Dans le sillage de Ace in the Hole, de Billy Wilder, où un journaliste travestit la réalité pour mieux l’exploiter, suit un cycle consacré aux média. Avec plusieurs œuvres qui ne ménagent pas toujours le grand cirque de l’information. Mais ce titre nous invite aussi à annoncer les films qui, dans les semaines qui arrivent, feront les grands titres du Grand Action. Et le programme est chargé. Rendez-vous en fin de lettre pour la bande annonce.

Il est important de voir Ace in the Hole, dont le titre français, Le Gouffre aux Chimères est – une fois n’est pas coutume – bien choisi. Le gouffre, c’est une nécropole indienne où, suite à un éboulement, un pauvre bougre se retrouve piégé. Les chimères, ce sont les vases anciens qu’il allait y voler, afin de couvrir de cadeaux sa femme, trop belle pour lui et qui, depuis longtemps, ne l’aime plus. Mais il existe un autre gouffre, celui de la morale (de l’amoral ?), que va creuser un reporter pourtant brillant ; et d’autres chimères, celles de l’héroïsme et de la générosité auxquelles la foule voyeuse va croire. Le reporter, magnétique Kirk Douglas, va utiliser la réalité et la transformer, avec une terrifiante absence de scrupule et l’appui de ceux qui ont quelque chose à gagner sur le malheur des autres. Ce répugnant story telling conduira, l’on s’en doute, au drame. Il dénonce aussi une fâcheuse tendance devenue terriblement banale, où le journalisme perd ses repères, oublie sa raison d’être et fricote avec l’argent et le pouvoir, au mépris de sa nécessaire déontologie.

Dans le cycle associé, on trouvera d’autres visions de grands réalisateurs sur la presse et les média. Et c’est peu dire que le regard n’est pas toujours tendre. Les reporters, pourtant sur la trace d’un tueur, sont ignobles dans La Cinquième Victime, de Fritz Lang, insupportables de machisme dans La légende de Ron Burgundy, de Adam McKay, et farouches combattants de l’idéalisme d’un architecte dans Le Rebelle, de King Vidor. On en trouve aussi de harcelants dans Le Bûcher des Vanités, de Brian de Palma (dont deux autres films, Blow Out et Pulsions, sont aussi à l’affiche cette semaine), et de drôles de pervers dans la comédie déjantée de Howard Hawks, La dame du Vendredi. Deux nouveaux films intègrent notre cycle Média. Et pas des moindres : Shock Corridor d’abord, extraordinaire plongée dans la folie de Samuel Fuller, où un journaliste ambitieux n’hésite pas à se faire interner dans un hôpital psychiatrique pour mener son enquête. Et puis, Citizen Kane, le tout simplement meilleur film de l’histoire du cinéma, où un journaliste dénoue l’écheveau de la vie d’un magnat de la presse.

Avant d’évoquer les sorties des prochaines semaines, précisons que Killer Joe, le tueur à gage au pays des ploucs, de William Friedkin est toujours à l’affiche. Dépêchez vous de venir le voir, ça vaut le détour. Mercredi prochain, nous sortirons Looper, un terrible film de science fiction de Rian Gordon, avec Bruce Willis et Joseph Gordon-Levitt, dont vous avez sans doute vu les affiches. L’argument tue, si l’on peut dire : un tueur reçoit pour mission d’abattre l’homme qu’il est devenu. C’est retors, spectaculaire et brillant. Le 14 novembre, réédition exceptionnelle sur copie neuve : celle de Fear and Desire, le premier long métrage de Stanley Kubrick, totalement inédit en France. Les débuts d’un génie. Le 28 du même mois, autre sortie nationale de prestige, celle du dernier film de Marco Tullio Giordana, Piazza Fontana. Le 7 novembre, le réalisateur sera parmi nous pour la seule avant-première parisienne de sa tournée française. Réservez votre soirée.
Houlà ! Avec tout ça, on allait oublier l’Enfance de l’Art. D’autant plus regrettable que Le Cirque, grand classique de Chaplin, ça ne se rate pas !
Bonne semaine.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Actio