Diagonales de reine.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Au échec comme au cinéma, les reines ont le droit de ne pas marcher droit. Ainsi la Queen of Earth, d’Alex Ross Perry, emprunte la plus noire des tangentes, alors que les Femmes sous influence du cycle qui l’accompagne suivent aussi l’étrange chemin du fou. Seule Sweetie, premier long de Jane Campion, parvient à aller de travers en gardant la tête droite. Deux Femmes sont aussi les vedettes de notre événement de la semaine, organisé par nos camarades de Ciné-Ma Russie. Jeudi à 20h, ils nous convient à la projection du dernier film de Vera Glagoleva, en sa présence. Le Cycle William Friedkin vient perturber ce gynécée cinématographique avec une sélection de films forts en mâles et durs au mal.
On adore Ciné-Ma Russie. D’abord parce que cette association nous fait découvrir le trop peu montré cinéma russe contemporain, mais aussi parce qu’elle organise des échanges de qualité. Ainsi, jeudi soir, la réalisatrice Véra Glagoleva sera dans la salle, en compagnie des producteurs Natalia Ivanovna et Laurent Danielou, pour nous présenter en avant-première son dernier film : Deux Femmes. Adapté d’une pièce d’Ivan Tourgueniev, ce film raconte les tourments amoureux de Deux Femmes, très différentes mais troublées par le même homme, dans une famille russe du 19e. Casting international pour ce film en costumes, où Anna Vartanyan et Sylvie Testud entourent Ralph Fiennes. Le débat à suivre se prolongera par un des légendaires cocktails qui, reconnaissons-le, font partie du charme de Ciné-Ma Russie. Notons aussi qu’un court-métrage, Mamie, Vanya et la Chèvre sera projeté en première partie de programme, en présence de sa réalisatrice Daria Yurkevitch.
Un énorme coup de blues conduit Catherine (Elisabeth Moss), la Queen of Earth d’Alex Ross Perry, chez son amie Virginia (Katherine Waterston), dans une belle maison isolée au bord d’un lac. Performance d’actrices certes, mais aussi performance du réalisateur qui, en s’inspirant de quelques maîtres du cinéma de la folie intime (Bergman, Polanski, Cassavetes, Fassbinder), déroule une belle partition pour ses deux comédiennes, filmées avec une intelligente économie. Ross Perry n’a pas oublié qu’il est issue du Mumblecore, une nouvelle vague hypster et fauchée, mais il propose là une image léchée, œuvre du chef-opérateur Sean Price Williams. A l’opposée de la folie de cette Queen of Earth, règne celle de Sweetie, incandescente boule d’énergie inventée par Jane Campion. Entre ces deux cinglées, d’autres s’épanouissent librement dans le Cycle Femmes sous influence. Quoi de commun entre la sanglante Carrie de De Palma, la tourmentée Elisabet de Persona, les Trois Femmes perturbées d’Altman, les deux évanescentes de Mulholland Drive, la Juliette des Esprits troublés de Fellini, et les Répulsion de Polanski et Possession de Zulawski ? De la folie tout simplement.
Autre cycle, également un peu dérangé – mais ferait-on du cinéma sans folie ? – le Cycle William Friedkin. Si les gangsters et les truands de French Connection ou Police Fédérale Los Angeles sont à peu près sains d’esprit, ce n’est pas le cas des aventuriers de Sorcerer, de l’ensemble des personnages de Killer Joe, de la gamine de L’Exorciste ou des gays de Cruising.
La semaine prochaine verra l’avènement d’un nouveau cycle consacré à notre cher Philippe Garrel qui d’ailleurs nous honorera de sa présence mercredi 30.
Mais avant, il y a dimanche et l’Enfance de l’Art, placés sous le Signe de Zorro, avec Tyrone Powel en héros masqué pour la caméra de Rouben Mamoulian.
Bonne semaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.