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L'Édito

The big pont.

L'Édito

The big pont.

Chères spectatrices, chers spectateurs,

Afin de ne pas vous surmener pour la fin d’année, voici un programme on ne peut plus simple : un film dans chaque salle, dont nous avons contracté les titres dans celui de la lettre, et un Ciné-Club Louis Lumière le 5 janvier avec Hors Satan, de Bruno Dumont. Le premier des films de cette quinzaine de fêtes, c’est Le Pont des Espions, thriller d’espionnage mené de main de maître par Steven Spielberg. Le second, c’est le dernier film de Adam McKay, The Big Short, un virtuose tourbillon sur la crise des subprimes qui effondra l’économie américaine, puis mondiale, à partir de 2007.

Si la présence de Spielberg aux commandes du Pont des Espions laissait présager le meilleur (et l’on n’est pas déçu, nous y reviendrons plus loin), nous étions plus dubitatif sur la signature d’Adam McKay.  En effet, que ce réalisateur, surtout connu outre-Atlantique pour de délirantes pochades produites par Judd Apatow et interprétées par Will Ferrer, puisse envisager de rivaliser avec le Loup de Wall StreetInside Job, Margin Call, en y ajoutant une touche de la série des Ocean’s, ne semblait pas évident. Mais ça, c’était avant de voir The Big Short (en VF : Le Casse du siècle) : un bijou. Nous sommes en 2005 : la finance a pris le pouvoir sur le monde et les affaires vont bon train. C’est le temps des matheux cinglés, des traders fous et des banquiers cyniques qui pensent que les arbres vont monter jusqu’au ciel et affirment, en se gavant, avoir tirer les leçons de l’explosion de la bulle internet de 2001. Le monde investit à tout-va, sans limite, sans scrupule, et surtout sans filet. Des millions de mètres carrés se construisent et se vendent ; des milliards de dollars tourbillonnent en produits et crédits aussi tentants que foireux, mais tous estampillés AAA par des agences de notation complices. L’économie court à sa perte, mais aucun responsable financier, tous trop occupés à calculer leur faramineux bonus, ne le voit. Pourtant, quelques petits malins, gestionnaires, traders, investisseurs, vont anticiper l’inéluctable retour de bâton, et la catastrophe à venir. Parmi eux, les héros du film : le demi-autiste, borgne et métalleux (Christian Bale), le trader carnassier (Ryan Gosling), le gourou de la finance en retraite potagère noglu (Brad Pitt, également co-producteur du film), et le financier juif, aussi sanguin que métaphysiquement torturé (Steve Carrel). Ces quatre visionnaires, chacun à leur manière, vont prendre des risques et le contrepied de la pensée dominante pour tirer les marrons du feu. En adaptant le best seller de Michael Lewis, McKay a réussi son coup. Si le sujet est complexe, les arcanes en sont brillamment et clairement levées (on vous conseille toutefois de relire quelques lignes sur l’affaire des subprimes pour ne rien rater), et les parenthèses face caméra aussi éclairantes et drôles que les apartés de Molière. Vive, nerveuse, la caméra bondit d’une histoire à l’autre, et ne cesse de bouger, comme pour ausculter les personnages, pris dans une histoire qu’ils feignent d’organiser, mais dont ils sont aussi les dupes. Entre bluffs, paris, mensonges, rodomontades et insultes, The Big Short est un maelstrom qui confirme que « l’ennemi, c’est la finance ».

A la fin des années 50, l’ennemi de l’Amérique, c’était les Soviétiques, et vice versa. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle chacun espionnait l’autre, attendant le moindre prétexte pour menacer de déclencher l’apocalypse nucléaire. Mais, quand un agent se faisait prendre, on avait surtout à cœur de le récupérer, en l’échangeant discrètement contre son équivalent sur Le Pont des Espions, alias Pont de Glienike, entre les deux Allemagnes de l’époque. C’est ainsi qu’un avocat de Brooklyn (Tom Hanks) se trouve chargé de troquer un espion Russe fatigué (formidable Mark Rylance) contre un fringuant jeune pilote d’avion U2 abattu. Livré à lui-même dans Berlin nouvellement muré – officiellement, rien d’officiel dans sa mission – l’avocat va révéler ses talents de négociateur pour arracher une autre libération. Et deviendra, car l’histoire est inspirée (là encore) de faits réels, l’un des plus fameux échangeurs d’espions de la Guerre Froide. Nous vous avons déjà parlés de la réalisation, maîtrisée de bout en bout par ce vieux génie de Steven, qui sut tirer tout le suc d’un script forcément dense et complexe, puisque signé des frères Coen.

La semaine du 30 décembre verra le retour de Joe Hill, et de l’Enfance de l’Art, tous deux absents pour celle de Noël. Dimanche 3 janvier à 14h, nous reverrons le ravissement de Cendrillon, incontournable Disney de 1950. Mardi 5, nous retrouverons le Ciné-Club Louis Lumière, avec Hors Satan, film beau et âpre de Bruno Dumont, éclairé par le chef-opérateur Yves Cape. Il animera le débat après la projection.
D’ici là, bonnes fêtes.

Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.