Eclectique !
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Quel rapport entre Comment j’ai Détesté les Maths, documentaire arithmophobique d’Olivier Peyon et Excalibur, fresque arthurienne de Boorman ? Entre l’hypraviolence de Scarface de De Palma et la métaphysique Providence d’Alain Resnais ? Quel lien entre Barton Fink, errance immobile du scénariste des Coennien, Paper Moon, tendre road-movie de Bogdanovich, et Runaway Train, folle course ferroviaire de Konchalovsky ? Ou encore entre le Roi et L’Oiseau, féérique dessin animé de Paul Grimault, et le cinéma souvent angoissant de Polanski? C’est simple : ils passent tous au Grand Action pendant la quinzaine à venir ; et les premiers cités font même l’objet d’un événement.
Le premier rendez-vous de ces deux semaines (car vous recevrez notre prochaine lettre dans 15 jours) se tiendra lundi 4 novembre. Surfant sur le succès – et votre présence régulière et assidue -, le Cinéma-Club quitte les eaux rassurantes de la reprise pour les rives parfois escarpées de l’avant-première. Mais ne vous laissez pas intimider par le titre du documentaire qu’il nous propose, ni par une éventuelle aversion aux équations et aux espaces vectoriel euclidiens. Dans son documentaire Comment j’ai Détesté les Maths (sortie en salle le 27 novembre), Olivier Peyon fait le tour des blocages, avant de chanter une ode aux mathématiques, notamment en tendant son micro au talentueux et charismatique Cédric Villani. La projection se poursuivra par un débat avec Olivier Peyon, traducteur de nombreux films anglophones (dont ceux des Coen) mais aussi réalisateur de plusieurs courts métrages primés, de portraits pour la télévision et d’un long (Les Petites Vacances, en 2007). La soirée se terminera autour d’un verre au Grand Bar.
La semaine suivante sera marquée par un Ciné-Club Positif, rendez-vous toujours immanquable, surtout lorsqu’il est animé par Monsieur Michel Ciment. Michel a choisi, pour ce mardi 12 novembre, de nous présenter Excalibur, film sublime et baroque où John Boorman tord la légende du Roi Arthur et son épée magique pour nous donner la plus belle adaptation en clair obscure de ce texte fondateur de la littérature.
Mais avant la semaine prochaine, il y a celle qui vient. Et qui se trouve vitaminée par la ressortie sur copie restaurée de Scarface, version 1983 de Brian De Palma, sur un scénario d’Oliver Stone. Ames sensibles, passez votre chemin, car ce remake du film de Hawks est d’une violence inouïe. A l’image de son héro, Tony Montana (interprété par Al Pacino qui trouve là un rôle culte), un petit immigré Cubain qui va vite comprendre comment on devient le boss aux States du début des années 80. Froid, déterminé, insensible, immoral mais intelligent, Tony va devenir le roi de la coke, brassant des millions, mais plongeant trop le nez dans son produit. Ce portrait d’un psychopathe, filmé avec une grande efficacité et sans rien épargner aux spectateurs, ne fut pas très bien accueilli à sa sortie. Depuis, fort de ses tensions, de ses crimes et de ses délires, il est entré au Panthéon des films de gangsters. Si Tony Montana est l’idole de certains délinquants de banlieue, Scarface est une référence pour les cinéphiles.
Providence en est une aussi, disons pour une autre cinéphilie. Quoi que – nous en apportons la preuve – on peut aimer Resnais et De Palma. Film métaphysique sur la création, Providence nous entraine dans un étrange voyage dans le cerveau d’un écrivain en fin de vie (formidable Dirk Bogarde). Entre ivresses, fantasmes, hallucinations, réalités et fulgurances, Alain Resnais promène le spectateur, le perd, le retrouve et l’égare à nouveau. La virtuosité de Providence valut à son réalisateur de glaner une belle série de César lors de sa sortie en 1977. Et nous sommes ravis de vous proposer de revoir ce classique, surtout sur la belle copie restaurée que nous offre le distributeur Jupiter.
A propos de copie, signalons que celle Barton Fink (également multirécompensé avec ses 3 prix cannois en 1991) est en 35 mm. De la pellicule donc, ce qui en ces temps numériques, fait du bien. Ça ne fait surtout que rehausser l’ambiance angoissante du film, d’une certaine manière expressionniste, puisqu’elle répond au désarroi du personnage titre. Interprété par John Turturo, Barton Fink, pauvre dramaturge égaré à Hollywood, va connaître bien des malheurs. Entre ses doutes, sa peur de la page blanche, son producteur fou qui lui impose un sujet dont il ignore tout, son voisin inquiétant qui semble parfois le seul locataire de l’hôtel minable où il loge, Barton va dériver loin. Un régal noir, comme seuls les frère Coen savent nous en servir.
Autre nouveauté de la semaine, le Cycle Roman Polanski. Les esprits chagrins pourront remarquer que ça n’a rien à voir avec le reste de la programmation. Nous leur rétorquerons que ce cycle annonce la prochaine sortie de La Vénus à la Fourrure, dernière production de Roman. En attendant de découvrir sa sulfureuse lecture de Sacher Masoch (le 13 novembre au Grand Action), nous vous proposons de revoir quelques uns de ses chefs d’œuvres. Nous commencerons par le début avec Le Couteau dans l’Eau, premier long-métrage réalisé en Pologne, dont la perversité valut l’exil à son réalisateur. De l’autre côté du Mur, il signe Répulsion, où Catherine Deneuve est une manucure bizarre, puis enchaîne avec Cul-de-sac, une histoire de gangsters égarés, avec Françoise Dorléac, sœur regrettée de la précédente, et le drolatique Bal des Vampires, seule vraie comédie de sa filmographie. Nous retrouvons Polanski quelques années plus tard avec encore des flics et des bandits, ceux de Chinatown, puis avec La Jeune Fille et la Mort, un huis-clos oppressant comme il les aime. Le Pianiste, immense film sur le nazisme, permet à Roman de recréer le ghetto de Varsovie qu’il a connu dans sa jeunesse.
Avant de conclure cette longue lettre (mais vous avez deux semaines pour la lire), redisons que Runaway Train et Paper Moon sont toujours à l’affiche, et que l’Enfance de l’Art nous propose Le Roi et l’Oiseau, de Paul Grimault, dimanche 3, et Le Fils du désert, de John Ford, le dimanche 10.
Bonne quinzaine.
Isabelle Gibbal-Hardy et l’équipe du Grand Action.