Comme avant.
Chères spectatrices, chers spectateurs,
Même si l’on peut espérer que l’étrange période que nous venons de traverser va changer (un peu) le monde (moins de déplacements inutiles et d’émissions de carbone, plus de télétravail, une consommation plus locale et raisonnable…), on est bien content de retourner au cinéma comme avant. Ainsi, reprenant les bonnes habitudes, cette semaine est rythmée par deux ciné-clubs, une sortie nationale – The Hunt, une curieuse chasse à l’homme de Craig Zobel – à laquelle répond un grand classique, Les Chasses du Comte Zaroff. Bien sûr, nous reprenons aussi les projections des films que nous avions laissés en plan mi mars.
Vendredi à 20h, le Ciné-club Image et Parole ouvrira le bal de la reprise des événements, qu’il avait d’ailleurs clôturé mi-mars. Sous la houlette de Carlos Tello, docteur en cinéma qui animera le débat à suivre, nous verrons un Rainer Werner Fassbinder de 1971, Le Marchand des Quatre Saisons. Drôle de maraicher, cet ancien flic et ex-légionnaire, mais toujours alcoolique, qui bat sa femme et sombre dans la dépression. Ce drame porte la patte RWF : érotisme trouble, violence – autant physique que psychologique – et force des regards que le réalisateur parvient à capter chez ses comédiens.
Le second rendez-vous de la semaine se tiendra dimanche à 16h30, avec les Producteurs, l’âme des films que nous retrouverons pour leur ciné-club. Philippe Carcassonne viendra revoir avec nous Tandem, sans doute le film le plus touchant de Patrice Leconte. Un animateur de jeu radiophonique vieillissant et acariâtre (Jean Rochefort) sillonne la France avec son chauffeur-technicien-protecteur… et souffre-douleur (Gérard Jugnot). Une drôle et bouleversante histoire presque d’amour, bercée par Il Mio Rifugio, le tube de Richard Cocciante. En 1988, Tandem, n’obtint que le César de la meilleure affiche. Une honte ! Venez nombreux pour rattraper cette injustice et réchauffer le cœur de Carcassonne, qui débutait alors sa belle carrière de producteur avec cette délicate merveille amère.
Talentueux réalisateur touche-à-tout, Craig Zobel s’est vu confier les rênes de The Hunt par Jason Blum, incontournable producteur du cinéma d’horreur américain. Sur un scénario assez tordu, entre conspirations pseudo-marxistes et obsessions complotistes, des puissants organisent une chasse à l’homme à balles réelles… qui pourrait bien se retourner contre eux. Blum a convoqué quelques stars – Hilary Swank, Emma Roberts et Betty Gilpin – pour cette série B assez flippante menée avec un bel entrain. Précédé d’une sulfureuse réputation, The Hunt sort enfin après avoir vu sa diffusion reportée pour cause, d’abord d’attentat (Dayton et El Paso), puis de pandémie. On peut donc enfin découvrir ce curieux jeu de mort, dont les règles rappellent celles des Chasses du Comte Zaroff, qu’Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel inventaient en 1932. Avec l’opportunisme cinéphilique que vous nous connaissez, vous ne serez pas surpris que nous vous proposions de revoir ce classique du fantastique dimanche à 14h15.
Interrompus dans leur carrière, Dark Waters, le combat écologique de Todd Haynes, Once Upon a Time in Hollywood, dans la version longue voulue par Quentin Tarantino, et Queen and Slim se partagent le reste du temps d’écran hebdomadaire. Outre qu’il mérite d’être vu, ce road movie antiraciste de Melina Matsoukas, fait tragiquement écho à l’actualité qui secoue les deux côtés de l’Atlantique.
Non sans vous redire la joie que l’on aura à vous revoir nombreux dans nos salles, rappelons encore les quelques règles qui doivent nous permettre de ne pas retourner à nos vies confinées. Lavons nous les mains, portons un masque (dans les espaces de circulation, pas dans les salles), évitons de nous épancher en pourtant légitimes effusions, et soyons juste heureux de nous retrouver, ensemble, dans une salle obscure. En 125 ans d’existence, c’était la première fois qu’elles fermaient.
Bonne semaine et vive le cinéma.
Isabelle Gibbal Hardy et l’équipe du Grand Action.